Les gouaches découpées de Matisse

Par Isabelle Monod-Fontaine, conservateur au Musée National d'Art Moderne (Centre Georges Pompidou) et commissaire d’exposition, en association avec la Fondation Beyeler à l’occasion de la présentation de l’ensemble de leur collection de papiers collés de Matisse.

En 2012, après trois ans de recherches historiques et scientifiques et de délicats travaux, s’achevait avec succès le plus grand projet de restauration de la Fondation Beyeler. Acanthes, œuvre majeure de la série des papiers découpés datée de 1953, a retrouvé un second souffle, à l’image de la signification que prendront pour Matisse ces grandes gouaches découpées, dans la dernière partie de sa vie.

Selon Nicholas Cullinan, le commissaire de l'exposition Henri Matisse : les gouaches découpées, qui se tiendra à la Tate Modern de Londres (du 17.04.2014 au 07.09.2014) et au MoMA de New-York (2014 et 2015.), ce procédé avait d’ailleurs rendu le grand Picasso lui-même "jaloux", il était "abasourdi de son travail", puisqu’il est en effet "incroyable pour un artiste à la fin de sa vie, non seulement d'inventer un nouveau style, mais aussi un tout nouveau média".

À partir du début des années 40, en raison de son état de santé qui le diminuait beaucoup, Matisse était pratiquement dans l’incapacité de peindre. Il a donc utilisé une technique qu’il avait déjà expérimentée à une ou deux reprises par le passé, en découpant des feuilles de papiers colorées et en en créant des compositions. Ce qu’il appellera : "sculpter les couleurs avec des ciseaux".

C’est ainsi que naîtront des œuvres emblématiques, telles que ses Grands nus bleus, Icare et Le cirque, réalisés pour le livre d’avant-garde Jazz et notamment Composition (Les velours) de 1947, que l’on peut admirer au Kunstmuseum de Bâle.
Cette forme d’expression, perçue comme une solution à "l'éternel conflit du dessin et de la couleur" qui l’avait toujours préoccupé, constitua une révolution dans l’art moderne.

Lors de ses visites à Paris, Matisse ne put échapper à la violente polémique au sujet d’un art figuratif ou non, après la Seconde Guerre Mondiale. Il ne s’opposât certes pas aux théories de l’abstraction qui prévalaient ces années là, mais il sentait qu’il lui restait peu de temps pour accomplir son œuvre. En 1947 il écrivait ceci : "Je suis depuis mon retour de Paris dans une sorte de crise de conscience et il se pourrait qu’un grand chambardement de mon travail arrive. Je vois la nécessité de m’éloigner de toutes contraintes, de toutes idées théoriques pour me livrer à fond et complètement en me plaçant […] hors de cette mode de distinction du figuratif et du non figuratif." Coup de maître, Henri Matisse âgé, très malade, épuisé, trouva la synthèse qui peut caractériser l’œuvre de ses dernières années : "abstraction sur racines de réalité."

À l’occasion de la présentation de l’ensemble de leur collection de papiers collés de Matisse, La Fondation Beyeler en association avec l’Alliance française de Bâle a le plaisir de recevoir Isabelle Monod-Fontaine, conservateur au Centre Georges Pompidou, dont elle fut directrice adjointe chargée des collections pendant une dizaine d’années, pour nous parler du dernier volet de l’œuvre d’Henri Matisse. Elle a principalement travaillé sur la première moitié du XXe siècle. Elle y a été responsable de plusieurs expositions dont Braque, Les papiers collés (1982) ; La donation Leiris-Kahnweiler (1984) ; Le dernier Picasso (1988) ; André Breton, La Beauté convulsive (1991) ; Henri Matisse 1904-1977 (1993). Elle a également participé à l'organisation de la rétrospective Fernand Léger (1997). Elle a collaboré à chacune des publications qui accompagnaient ces manifestations et a publié The sculpture of Henri Matisse (Thames and Hudson, 1984) et Matisse, Le rêve ou les belles endormies (Adam Biro, 1988).

Renseignements

Fondation Beyeler - Riehen 4125 Riehen

Tarifs :

Sur réservation (tarif d'entrée du musée)

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