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Muriel Bordier amuse la galerie !

Murier Bordier amuse la galerie, c'est le titre choisi par l'artiste, espiègle, qui adore observer ses contemporains et les mettre dans des positions absurdes. Un régal pour le visiteur qui cherchera les détails incongrus dans ces photographies, à voir à l'Espace d'art contemporain André Malraux.

Alors, vous, quand vous faites une série sur les piscines, il n’y a pas d’eau...

Oui, je trouvais intéressant de vider les bassins et de mettre des personnages qui nagent dans le vide, sur des tabourets ou suspendus, parce que c’est totalement absurde. Pour les œuvres au rez-de-chaussée, que j’ai réalisé spécialement pour l’expo à Colmar, je me suis dit : ce serait encore plus bête de mettre de l’eau, mais que l’on ne puisse pas nager. Les gens apprennent à nager hors d’eau comme les tomates qui poussent hors de terre !

Derrière l’humour, il y a quand même une critique qui se profile, non, avec tous ces nageurs en file, ces panneaux d’interdiction, ces comportements moutonniers ?

Je m’amuse des codes en place et me moque joyeusement des règles. Si on les respecte trop, on arrive dans un univers presque carcéral. Mes maîtres-nageurs ressemblent plus à des gendarmes ou à des agents de sécurité, ils ne sont plus surveillants de baignade, ils sont surveillants tout court, ils perdent leur statut d’apprenants. Mais ce n’est pas un regard censeur, j’espère avoir assez d’humour pour éviter ça !

Vous devez passer des heures à observer les gens ?

Oui, j’adore ça. Je ne me m’ennuie jamais. Je m’amuse de mes contemporains et de moi-même. On manque d'occasions de se marrer, en tant qu'adulte, et faire marrer des gens qu’on ne connaît pas, c’est formidable. Pour moi, l’art représente une brèche fabuleuse : il permet de continuer à m’amuser tout en gagnant de l’argent (rires).

Comment vous imaginez ces mises en scène ?

Au départ, il y a un trait d'esprit, comme cette manche à air dans une piscine : c’est complètement stupide, un non-sens total, mais ça m’amuse. Ensuite, il faut bosser pour le mettre en pratique. L’image mentale est 1000 fois plus puissante que le rendu sur le papier. Elle est comme un rêve : et quand on essaye de raconter un rêve, tout se réduit à un fil inintéressant en général. Moi, je veux me rapprocher le plus possible du trait d’esprit et de l’image mentale du départ.

Et pour y parvenir, vous travaillez en studio et aussi en 3D ?

Chaque personnage de l’image est photographié sur un fond blanc dans un éclairage neutre, ce qui me permet une certaine souplesse. On retrouve ce personnage à plusieurs reprises, ce qui signifie que le personnage a circulé mais aussi le regard du spectateur : j’aime cette notion d’écoulement du temps et de cette histoire qui se raconte. Ce sont des images superposées entre une photo de paysage réel en arrière-plan, une architecture en 3D qui me permet de m’échapper du réalisme de la photographie et des vrais personnages au premier plan comme au théâtre. Ca tient à la fois du tableau et de la photographie.

Votre série sur les open space est beaucoup plus sombre, dans les tons et dans le propos. On atteint même une sorte de déshumanisation…

Cette série sur les open space vient d’une rencontre avec une personne qui avait quitté son espace de travail pour un autre, dans un nouveau bâtiment, conçu par une grand architecte. Et il y a eu toutes sortes de problèmes de chauffage, d’organisation, de promiscuité. Je me réjouissais de ses malheurs, parce que c’est ça qui est intéressant, quand il y a un rouage qui déconne…(rires) J’ai décidé de mettre l’homme dans cette situation qu’il ne maîtrise pas. C’est aussi l’idée de l’architecture qui écrase l’individu. D’ailleurs, tout nous écrase. Le matin, quand on allume sa radio au petit-déjeuner, on parle de la guerre en Syrie, des crises dans la finance. Et nous, que voulez-vous qu’on fasse ? On continue à prendre notre petit-déjeuner. Et la catastrophe, c’est quand on a chez soi un petit problème de plomberie. Autant en rire !

A terme, vous souhaitez recréer une ville : un projet titanesque et démesuré, non ?

C’est justement ça qui est bien. J’ai fait les piscines, les musées, les open space, et j’aimerais traiter tous les milieux sociaux, avec des histoires à raconter, comme l’hôpital, le commissariat, la prison, l’école, avec mes personnages et mes saynètes. J’imagine à la fin un immeuble entier, avec des fenêtres éclairées, où l’on pourrait voir toutes ces scènes de vie à la jumelle.

Propos recueillis par Sandrine Bavard en octobre 2016

Renseignements

Espace d'Art Contemporain André Malraux - Colmar 68000 Colmar

Dates et horaires :

Du Samedi 15 Octobre 2016 au Dimanche 15 Janvier 2017

Tarifs :

Entrée libre

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