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La Poste - Kieny à Riedisheim

Chaque mois, dans la rubrique Gastronomie du JDS, pénétrez dans les coulisses des plus grands restaurants étoilés haut-rhinois. Les chefs se livrent. Les secrets de leur cuisine se révèlent. Par Mike Obri

La famille Kieny est une institution mulhousienne. Jean-Marc Kieny, à la tête du restaurant La Poste situé en plein centre de Riedisheim, représente la sixième génération de cuisinier. La maison dans laquelle il joue sa partition gourmande se trouve dans le giron familial depuis plus de 160 ans. L'étoile Michelin, Jean-Marc l'a décrochée il y a plus de 25 ans.

Jean-Marc Kieny détient une étoile Michelin depuis plus de 25 ans ! © Mike Obri Jean-Marc Kieny détient une étoile Michelin depuis plus de 25 ans !

Après l'indétrônable Auberge de l'Ill, c'est La Poste qui détient la plus longue longévité gastronomique du Haut-Rhin. Pourtant, l'homme est discret, bien loin de l'image que l'on pourrait se faire d'un cuisinier de haut vol qui au cours de sa carrière a croisé « vedettes et hommes politiques ». « Tous les grands chefs qui m'ont formé avaient cette particularité d'être des hommes humbles et simples. Stricts dans leur travail, mais abordables », remarque-t-il. Cette philosophie, il se l'est appliquée à lui-même. « Le bling bling : non, pas mon truc ».

Savoir rester simple

Jean-Marc Kieny nous parle ensuite de l'association des Etoiles d'Alsace, qu'il préside pour la partie haut-rhinoise. Cette dernièrei dynamise et valorise le savoir-faire gastronomique alsacien. Il y règne un esprit de camaraderie. « Entre chefs, on s'échange régulièrement nos petits trucs. Il ne faut pas croire que parce qu'on a une étoile, on sait tout ! On continue d'en apprendre chaque jour ». Les formules jeunes (apéritif et eau, 3 ou 4 plats en accord avec les vins à 79 ou 109€), grand succès dans la région, sont le fait des Etoiles d'Alsace. « C'est une opération très positive car bien des 25-35 ans nous disent qu'ils n'auraient pas franchi la porte d'un étoilé sans cette formule, où ils connaissent le montant de l'addition à l'avance. Bien sûr, cela reste une somme, mais on en revoit souvent par la suite, ils emmènent leurs parents ou des amis. C'est important de transmettre aux jeunes cette curiosité de la gastronomie : la cuisine française est le plus belle du monde pour l'éternité ! Depuis un mois, nous testons aussi un plat unique le midi, toujours à moins de 20€. Un restaurant doit s'adapter au terroir local, mais aussi à ses clients. »

Nous suivons alors Jean-Marc Kieny en cuisine, où il nous présente son équipe ainsi que sa femme Mariella, qui officie en salle et suggère les vins aux clients. André Kieny, le papa, toujours présent pour donner un coup de main, nous fait un grand sourire tout en vérifiant discrètement la cuisson d'une viande. Une grande douceur règne dans les coulisses de La Poste.

Honorer les traditions

Le service démarre, pourtant, Jean-Marc Kieny, espiègle, se plaît à lancer quelques plaisanteries à sa brigade. « Tenez-vous bien encore cinq minutes ! Quand le journaliste sera parti, vous pourrez recommencer les bêtises ! » Là où il n'y pas d'humour, il n'y a pas d'humanité - la phrase de Ionesco sied bien à notre chef. Et dans l'assiette, cette même humanité prend vie. Son plat-signature, les tapas alsaciens (en photo), en sont peut-être l'exemple le plus parlant. Petit bretzel, hareng et pomme verte, museau, bibeless' ou encore foie gras sur confit de berawecka... Voilà un clin d'oeil à la région, mais aussi aux plats typiques que les générations précédentes de Kieny préparaient. Quand on vous disait que ce cuisinier avait la famille dans le sang.

« Ne pas oublier les traditions, c'est essentiel. Mais il faut aussi y ajouter une dose de créativité. Une choucroute, un baeckeoffe dans un gastro' ? Je dis oui. Mais il faut réinterpréter, comme un musicien. Un compositeur a sept notes, nous, les cuisiniers, en avons une infinité : c'est absolument génial », s'enthousiasme-t-il, tout en finalisant une assiette de Saint-Jacques snackées, fine tartelette et vinaigrette au yuzu.

« Mieux vaut une salade de patates bien faite qu'un homard mal cuisiné ! »

« Travailler des produits nobles, c'est un plaisir, bien sûr. Mais j'aime aussi les choses plus simples. Pourquoi ? Parce que tout est bon ! Mieux vaut une salade de patates bien faite qu'un homard mal cuisiné ! À une époque, on disait : t'as vu, la cuisine fusion, c'est super, c'est l'avenir. C'est bien de faire de la cuisine avec des pipettes, moi, je parie plutôt sur l'authenticité. Et la technique, qui doit rester discrète ».

La transmission et l'héritage familial sont au coeur de l'établissement. « Je baigne dans cet environnement depuis ma naissance. Gosse, je traînais tout le temps dans le tablier de mon père. Un jour, ma tata, bonne couturière, m'avait confectionné une petite veste de cuisinier, j'étais si fier ! Je l'ai toujours. La passion de la gastronomie est venue de suite, c'est un truc de famille. D'ailleurs, si vous avez un peu de place pour parler de mon frère Laurent ! », glisse Jean-Marc Kieny. Il faut dire que l'anecdote est belle. Enfant, Laurent Kieny rend un dessin à sa maîtresse d'école avec un éloquent petit commentaire : « Plus tard, je serai pâtissier et mon frère sera cuisinier, parce que ça va bien ensemble ». Le dessin montre le restaurant familial, et à côté, une maison verte avec le nom Laurent Kieny dessus. Quatre décennies plus tard, le dessin est devenu réel car c'est exactement ce que l'on peut voir à l'angle de la rue du Maréchal Foch et de la rue du Général de Gaulle à Riedisheim. Le restaurant de l'un, la pâtisserie (verte) de l'autre...

Jean-Marc Kieny est encore loin de la retraite. Mais il a aussi deux fils d'une vingtaine d'années. La septième génération de Kieny à La Poste ? « Dire que je n'y pense pas, ça serait mentir. On imagine, on se fait des plans... mais ils feront ce qu'ils voudront. »

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