Claude Lebourgeois, l'homme derrière les têtes d'affiche

L’homme qui programme les différents groupes et artistes du Festival de la Foire aux Vins, c’est Claude Lebourgeois, Normand d’origine et Mulhousien d’adoption. Qui est-il ? Que pense-t-il de son job très particulier ? Rencontre avec un passionné de musique. De toutes les musiques.
Propos recueillis par Mike Obri

Interview réalisée en juin 2013

Programmateur de festival, c’était le métier dont vous rêviez tout petit ?

Claude Lebourgeois, directeur artistique de la Foire aux Vins, devant le Parc Expo de Colmar Claude Lebourgeois, directeur artistique de la Foire aux Vins, devant le Parc Expo de Colmar © MO

Je m’imaginais bien journaliste, avocat ou médecin, là où il y a de l’humain. J’ai été plongé dans le monde de la musique très jeune grâce à des parents multi-instrumentistes. J’ai appris le solfège, la batterie, la guitare... mais je suis un piètre musicien !

Peut-être ce métier vous permet-il de vivre une vie d’artiste par procuration, de le toucher du doigt ?

Ce métier est une passion et ne s’arrête jamais, c’est du 24h/24, 7 jours sur 7, je ne peux pas me permettre de ne pas être disponible, même la nuit, je pourrai rater Metallica ! Mais je n’ai pas un égo d’artiste. L’égo, les caprices, je n’aime vraiment pas ça. Programmer des artistes à la Foire aux Vins, c’est au contraire faire preuve d’empathie, de se mettre à la place du public. Je me dis : « tiens, si j’avais 14 ans, quel groupe j’aimerais aujourd’hui ? » On ne peut pas programmer des concerts en fonction de ses goûts personnels. C’est sûr, je n’écoute pas du Anthrax tous les matins en me rasant, mais je pense aux métalleux qui aimeraient les voir ! Le Festival est éclectique, il doit y en avoir pour tout le monde. Mais être connu, adulé, ce ne serait pas pour moi. J’ai passé deux jours avec Nolwenn Leroy, elle n’a jamais la paix, dès qu’elle se rend quelque part, il y a un attroupement.

Comment démarre-t-on dans ce métier et devient-on crédible ?

J’ai crée une société de promotion de spectacles dans les années 80. On a démarré petit, avec des petits concerts, même si à l’époque, on était les premiers à faire les Rita Mitsouko, avant qu’ils ne deviennent connus. On a ramé trois-quatre ans. Et puis un gros producteur nous a fait confiance, on a fait Renaud et Julien Clerc, et à partir de là, c’était bon. On m’a ensuite confié la programmation des Eurocks et de la Foire aux Vins, et depuis 1998, j’ai été intégré à Colmar Expo, qui gère la Foire, de façon permanente.

Il vous faut donc toute une année pour caler dix à onze concerts ?

Mais oui ! D’août à juin. Regardez, début juin, je n’avais toujours pas le nom de l’artiste qui viendrait le dernier soir de la Foire ! Un festival en août, c’est compliqué, car tous les artistes sont en vacances, très peu tournent. Et il y a eu un changement de mentalité majeur chez les artistes ces dernières années. Les super-tournées de deux ans à la Phil Collins ou Dire Straits, ça n’existe plus. En août, ils veulent s’occuper de leurs enfants, privilégier leur vie de famille... y compris les rockeurs !

De quels artistes êtes-vous le plus proche ?

J’aime beaucoup Nicola Sirkis d’Indochine, Manu Chao, Johnny Hallyday... J’adore discuter avec Brian Molko de Placebo, il est intelligent et cultivé, c’est un grand plaisir d’échanger avec lui. Humainement, il s’était aussi passé quelque chose de fort avec les Franz Ferdinand ou Norah Jones. L’année dernière, j’ai bu des bières pendant trois heures avec Beth Ditto, une fille brut de pomme, gentille comme tout, mais avec un humour rentre-dedans. On fait très attention à l’accueil de tous les artistes. A Colmar, ils sont chouchoutés. Après, c’est comme dans la vie, certains cherchent le contact, d’autres pas du tout.

Quels noms rêvez-vous d’avoir et n’avez-vous pas encore eu ?

Il y en a tant. Metallica, AC/DC, Rammstein, Sting, Elton John, M, ou des artistes de la jeune génération comme Woodkid, Skip The Use ou Kavinsky... Mais il y a toujours ces deux facteurs : la disponibilité, et le prix. On me demande souvent « pourquoi tu ne fais pas venir Robbie Williams ? » Mais parce que personne ne peut payer ce qu’il demande ! Williams, c’est 62 semi-remorques. Un Johnny, en comparaison, à peine 13. Les cachets des artistes ont triplé ces trois dernières années, pour compenser la chute des ventes du disque... Triplé ! Le public, lui, ressent les effets de la crise. Il fait des choix, sort moins. Si les grosses têtes d’affiche commencent à ne plus faire complet, des questions se poseront.

Et le grand public suit les modes...

Les gens sont moins fidèles que dans les années 80 ou 90. C’est un peu la génération kleenex, elle accroche sur un titre, aime un artiste six mois et puis le jette. Et quand ça arrive, c’est définitif. Avec l’essor d’internet, des émissions télé type The Voice ou Nouvelle Star, on a permis cet éclectisme, mais aussi ce côté zapping. Seuls les meilleurs resteront. Mais la scène internationale compte à mes yeux davantage de talents qu’il y a encore dix ans. On a des Adele, des Lana Del Rey, des trucs super qualitatifs, en très grand nombre.

Le soir des concerts, quand vous voyez 10 000 personnes vibrer et que c’est aussi un peu grâce à vous, vous vous dites quoi ?

C’est gratifiant, d’accord, mais si c’est un bide, que la salle est à moitié vide ? On se sent mal pour l’artiste, et pour soi-même... C’est à double tranchant. Et si on se rate, financièrement, ça devient compliqué, il y a quand même pas mal de pression sur mes épaules.

Que vous proposer, pour vous détendre ?

Un tour dans une brocante, dans un marché aux puces, à 4 heures du matin. J’adore les antiquités, les objets d’art. Ou alors du jardinage. Dans mon jardin, chez moi à Carspach, je fais pousser des roses anciennes. Un ami me les cultive sur les sommets vosgiens, où elles souffrent du froid, et quand elles sont replantées chez moi, elles fleurissent superbement bien. Et j’adore la pêche, taquiner le poisson.

Quelle analogie avec votre métier. Patienter jusqu’à décrocher une date, comme le poisson qui mord à l'hameçon... Et les roses qui doivent souffrir, avant d’être belles... comme les plus belles chansons composées dans la douleur !

Je ne voyais pas ça comme ça ! (rires)

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