Je découvre les métiers de l'artisanat

L’association L’Outil en main porte bien son nom : elle met une perceuse, une scie ou une machine à coudre entre les mains des 9 à 14 ans pour leur apprendre les métiers de l’artisanat. Reportage dans la vallée de Thann.

Dans les ateliers de l’Outil à la main, on n’entendra jamais : « Laisse, c’est pour les grands ! » Car ici, l’objectif, c’est de se servir de vrais outils pour fabriquer de beaux objets, avec l’aide d’artisans. « Partout où il y a des enfants, il faudrait une antenne de l’Outil en main. C’est une association qui permet de transmettre le savoir-faire des métiers d’antan. On leur fait connaître le travail du bois, du métal, du carrelage, selon les artisans dont on dispose. Ici, ils apprennent dans les règles de l’art », note Pierre Kirscher, président de l’Outil en main à Thann.

© Sandrine Bavard A l'Outil en main, on fabrique soi-même un fauteuil avec des menuisiers et un tapissier-décorateur

Charles Koegele, tapissier-décorateur, 27 ans de métier, a été séduit par le concept : « J’ai vu un atelier à Mulhouse avec des gamins qui battaient le fer rouge à 9/10 ans. Tout le monde dit que les gamins d’aujourd’hui ne font plus rien de leur journée, mais c’est pas vrai : ils faisaient de la menuiserie, de la vannerie, de la couture… Et puis, le métier de tapissier se fait de plus en plus rare, alors si des hommes de métier comme moi ne transmettent pas leur savoir, il va disparaître ! »

Un vrai apprentissage

La première fois que les enfants arrivent dans l’atelier de Charles à Schweighouse, une ancienne étable qu’il a spécialement aménagée pour recevoir des groupes, ils ne savent pas vraiment où ils mettent les pieds : « Ils pensent qu’un tapissier, c’est quelqu’un qui fait de la tapisserie ! » Une petite mise au point s’impose alors. Les enfants découvrent les outils nécessaires au métier : marteau ramponneau, pied de biche, ciseau à dégarnir, maillet… Et même une machine à coudre : « Cela fait partie de l’outillage du tapissier, parce qu’il fabrique aussi des stores, des rideaux, des tentures murales, des plafonds tendus, du revêtement de sol, de la literie…C’est un métier très vaste », informe Charles Koegele. Et chaque tapissier a son trousseau, avec ses aiguilles, ses carrelets à pointe, ses clous décoratifs, ses galons, franges, double corde…

Aujourd’hui, les enfants fabriquent un fauteuil avec des accoudoirs entièrement couvert de tissu. Ils ont d’abord fait la carcasse en bois dans l’atelier de menuiserie avant de s’attaquer à la décoration. Il faudrait presque se pincer pour croire ce que l’on voit : des adolescents coudre minutieusement des bouts de tissus avec un carrelet à pointe (autant dire que repriser des chaussettes n’aura plus de secret pour eux !) Mickaël, 13 ans, a terminé sa couture : « Toi, si tu continues comme ça, je vais t’embaucher. C’est nickel ! », commente l’artisan.

Un bateau téléguidé en projet

C’est une tout autre ambiance, nettement plus bruyante, dans l’atelier menuiserie à Aspach-le-Haut, où chaque groupe s’attèle à un projet différent. Au fond, un petit groupe veut réaliser un bateau télécommandé : « Quand j’ai fait cette proposition, tout le monde était d’accord, mais aujourd’hui, seulement trois sont assidus », note Jean-Pierre Ligier, ancien menuisier-ébéniste et professeur de mathématique. C’est que la tâche est ardue. Il a récupéré des caisses de fruits et légumes sur les marchés. Il a dessiné des plans sur papier et fait les tracés sur du contreplaqué. Les enfants découpent au cutter, scient quand il faut et assemblent les différentes pièces : « Les enfants ne sont pas là pour faire de la figuration, lance Jean-Pierre Ligier. Ce qui est bien dans ce projet, c’est qu’il couvre beaucoup de domaines : on fait de la menuiserie, un peu de mathématique, de l’électricité, un peu d’électronique avec le moteur. » Surtout, c’est l’amour du travail bien fait qui passe d’une génération à une autre : « Il faut vraiment être concentré sur notre travail, parce que si on se trompe d’un millimètre, tout est foutu », confie Thomas, un jeune passionnée de 12 ans.