Projet de Centre européen du livre et de l’illustration à Colmar

Qui sait que la Bibliothèque des Dominicains à Colmar renferme des biens précieux : des manuscrits carolingiens, des livres enluminés, les premiers ouvrages imprimés à Strasbourg ? Pour permettre à tous de découvrir ces collections, parmi les plus riches de France, la ville a décidé de la transformer en Centre européen du livre et de l’illustration d’ici à 2019.

La Bibliothèque des Dominicains est assise sur une « véritable mine d’or » selon Marianna Chelkova, adjointe à la culture de la Mairie de Colmar : une collection de plus de 200 000 livres et au total plus de 400 000 documents (gravures, lithographies, cartes, affiches, photos…). La ville de Colmar a donc décidé de creuser le filon et de faire sortir de terre un Centre européen du livre et de l’illustration, à la fois bibliothèque, musée et pôle de recherche. Un projet de grande envergure, estimé à 12 millions d’euros : « C’est un projet qui rajoute une corde culturelle à notre arc et fera rayonner Colmar au plan local, national et international. On va restaurer le bâtiment - joyau du patrimoine colmarien - et le remettre aux normes. On va repenser la préservation de ces collections, de précieux témoins de l’histoire en Europe, et les mettre à disposition du plus grand nombre », commente Gilbert Meyer, maire de la ville.

DR Projet de Centre européen du livre et de l’illustration à Colmar

Une collection « gigantesque »

Colmar peut se targuer en effet de posséder une des collections de livres anciens parmi les plus riches de la région rhénane : « La ville possède des collections totalement hors du commun mais elles ne sont pas assez connues, pas assez visibles. C’est gigantesque, presque démesuré : il y a les fonds issus des confiscations révolutionnaires, des donations, des legs, des acquisitions. Les chiffres donnent le tournis : ce sont 1 200 manuscrits, 2 300 incunables (livres imprimés en Occident avant 1500, NDLR), 8 000 livres du XVIe siècle, des reliures précieuses du XVIIIe siècle… Si on devait l’étendre sur des rayonnages, cela ferait plus de 10 km ! », s’enthousiasme Marianna Chelkova.

Retrouver le sens de l’histoire

Parmi ces collections, des livres très rares, comme la Bible à 49 lignes, sortie des presses de Johann Mentelin en 1460, premier livre imprimé à Strasbourg, qui était à l’époque un des berceaux du livre imprimé : il n’y en a que trois exemplaires en France. Les fonds permettent aussi de retracer toute l’histoire de l’Alsace et plus globalement de la Vallée du Rhin, depuis des manuscrits carolingiens du VIIIe et IXe siècle provenant de l’Abbaye de Murbach jusqu’à des photographies contemporaines. « C’est un projet porteur de sens pour toute la région Alsace. Pour certains, les livres anciens peuvent apparaître poussiéreux à l’heure du numérique, mais on a besoin de retrouver le sens de l’histoire et livrer aux jeunes générations la connaissance du passé », souligne Frédéric Blin, directeur de conservation et du patrimoine à la Bibliothèque national universitaire (BNU) de Strasbourg, associé au projet.
Le projet n’en est qu’à ses débuts. Pour l’instant, un comité scientifique a été établi sous l’égide de Rémy Casin, conservateur de la Bibliothèque des Dominicains : « Il nous est déjà apparu qu’on ne peut pas se borner à une présentation permanente des livres anciens : il faut renouveler les collections et l’intérêt du public local à travers une muséographie soignée et des expositions temporaires. Il faut créer l’événement ! » Le but de l’opération est aussi d’intéresser le grand public, et particulièrement les jeunes, à ce patrimoine écrit : « Il y a beaucoup de choses à imaginer, et je crois que des jeunes qui n’ont jamais vu de livres anciens peuvent être intéressés : on peut expliquer comment ce livre a été fabriqué par des moines copistes, développer des applications sur tablettes pour faire revivre un personnage en trois dimensions, faire le lien avec des livres d’Heroic fantasy par exemple… », détaille Frédéric Blin de la BNU.

Le projet entre désormais dans une phase d’études pour les deux prochaines années : définition d’un cahier des charges, consultation du grand public, choix d’un cabinet d’architectes, etc. La phase de travaux devrait également durer deux ans pour une ouverture prévue en 2019.