Arlette Steyer : une vie pour la maitrise des garçons de Colmar

Arlette Steyer a dédié sa vie au chant choral qu’elle a porté haut et fort au sein de la Maîtrise des garçons de Colmar, au point d’être faite Chevalier de la Légion d’honneur. A la fin de l’année, elle part en retraite : un choix mais aussi un vrai crève-cœur.

Propos recueillis par Sandrine Bavard en février 2017.

Arlette Steyer : une vie pour la maitrise des garçons de Colmar © Sandrine Bavard Arlette Steyer : une vie pour la maitrise des garçons de Colmar

Arlette Steyer, c’est toute une vie consacrée à la musique et plus de 30 ans passés auprès de « ses » garçons, ceux de la Maîtrise de Colmar. C’est elle qui a fondé l’institution en 1985 avec Eugène Maegey, le directeur du conservatoire de l’époque, et qui l’a menée jusqu’au sommet, récoltant sur le chemin une pluie de récompenses dont un Diapason d’or et le Prix Menotti pour l’enregistrement consacré aux œuvres de Palestrina en 1995. Elle-même a été faite Chevalier de la Légion d’honneur : « J’étais touchée évidemment mais je me sentais en porte-à-faux. Il y a tellement d’hommes et de femmes qui ont donné et perdu leur vie pour la France. Alors j’ai détourné ça, en me disant que c’était un hommage aux chefs de chœur et au chant choral, qui est considéré comme un genre mineur par rapport au grand orchestre qui est toujours magnifié. »
Arlette Steyer a commencé le chant choral à la maîtrise de l’ORTF à Paris sur un coup de tête précoce : « La maîtrise faisait beaucoup de pub à la télévision et j’ai dit à mes parents que j’aimerais bien entrer dans cette école. Mon père m’a répondu : tu n’en seras pas capable. Alors, à 8 ans, j’ai pris le téléphone pour un RV, j’ai pris le métro toute seule pour l’audition : je me souviens que j’avais le n°113 et que j’ai chanté Les Crapauds. Au début, c’était vraiment une bravade pour contrer mon père, mais de plus en plus, j’ai aimé cette vie : on faisait énormément de concerts, on travaillait avec des chefs fabuleux et les chœurs de Radio France. C’était magique pour une enfant .»

Un lien très fort

Sa vie prend un nouveau tournant à 19 ans, quand elle participe au festival de Béziers, où elle interprète le Requiem de Fauré. Son professeur, ayant oublié de lui réserver une chambre, elle trouve finalement un hébergement dans une caserne de pompiers où dort la chorale de Colmar. Elle assiste à leur concert et c’est le coup de foudre : « Je n’écoutais plus que la basse ! J’ai suivi la chorale de Colmar comme ça pendant trois semaines. Quand je suis rentrée à Paris pour reprendre les cours, je me suis dit que ce n’était pas possible. J’ai appelé la basse, et je lui ai dit : « J’arrive ! » Et ça fait 43 ans que ça dure ! ». La jeune Parisienne poursuit alors son cursus au Conservatoire de Colmar avec Hélène Roth jusqu’à devenir elle-même professeure de chant et à diriger une dizaine de chœurs. Sur les conseils de ses professeurs, elle se rend à une audition devant William Christie, pionnier de la redécouverte de la musique baroque, et intègre son ensemble des Arts Florissants : « Je ne connaissais pas du tout la musique baroque, mais ce que j’ai chanté lui a plu. Cela a duré un peu plus de 10 ans : j’ai d’abord eu un rôle de choriste dans une production, puis j’ai eu le rôle-titre de Doris dans Atys. J’ai fait énormément de concerts avec eux en France et à l’étranger, des œuvres du grand répertoire. Je lui dois tout au niveau de la musique baroque. »

Malgré l’excitation des tournées, elle a une autre idée en tête : monter une maîtrise, et obtient le soutien de la mairie de Colmar et l’Éducation nationale : « J’estime que la maîtrise donne l’enseignement le plus large possible pour former des musiciens. On s’aide beaucoup du chant choral pour l’écoute harmonique, mais il y a aussi des cours de défrichage pour lire une partition, de mime pour l’expression corporelle, des initiations au clavier différentes des cours traditionnels au piano. Les enfants vont improviser, composer, s’accompagner ou chanter. Ce que l’on vit en répétition est vraiment très fort ! », souligne la directrice. Son rôle ? Accompagner des enfants recrutés dès le CE2, sans connaissances musicales : « Ce qui est important, c’est qu’un enfant ait les yeux qui brillent en parlant de son chanteur préféré, même si c’est Maître Gims. Mon travail, c’est qu’il ait les yeux qui brillent aussi à la maîtrise. »

En plus de 30 ans de carrière, Arlette Steyer a travaillé plus de 1 800 partitions avec ces petits chanteurs. Ce n’est pas le travail ni les récompenses qu’elle retient, mais les concerts anniversaire où tous les anciens sont invités : « Là où je me sens le plus fière, c’est d’avoir marché à côté de ces petits garçons, qui sont devenus des hommes. Ils ont quelque chose dans le regard qui est magnifique. Et s’ils reviennent, malgré la rigueur et l’exigence de la formation, c’est qu’ils en gardent un bon souvenir. C’est très émouvant pour moi et pour eux aussi. » D’émotion, il en sera aussi question pour le dernier concert que donnera Arlette Steyer le 1er juillet 2017 à la Collégiale Saint Martin à Colmar qui sonnera l’heure de la retraite, « un mot qui n’arrive pas à passer mes lèvres », confie-t-elle. « La retraite, c’est trop la fin de quelque chose, j’espère que je vais continuer à diriger, je ne sais pas qui, je ne sais pas où. Cela peut paraître prétentieux ou arrogant, mais j’ai toujours des choses à dire, et je fais toujours des progrès. »

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