David Cage, créateur mulhousien de jeux vidéo

A 45 ans, David Cage, originaire de Mulhouse, vient de recevoir la Légion d’honneur. Il porte haut les couleurs du jeu vidéo made in France dans le monde entier, avec des jeux basés sur l’émotion et l’interactivité.

Propos recueillis en décembre 2014.

David Cage, créateur mulhousien de jeux vidéo DR David Cage, créateur mulhousien de jeux vidéo

Avez-vous déjà vu des jeunes demander un autographe à un chef d’entreprise ? La scène, surprenante, se produit après une conférence de David Cage à l’Université de Haute Alsace à Mulhouse, qui répond de bonne grâce à toutes les sollicitations. Le quadragénaire, qui a fait ses classes au Lycée Montaigne à Mulhouse avant de partir à Paris pour percer dans la musique, s’est finalement fait un nom dans le domaine des jeux vidéo. Cet autodidacte est aujourd’hui à la tête d’une entreprise florissante de 200 salariés à Paris, la société de production Quantic Dream réputée dans le monde entier pour ses jeux qui relèvent presque du 7ème art, privilégiant le récit et l’émotion. A 10 000 lieux des jeux de foot et de guerre : « On crée des jeux qui ne reposent pas sur les mêmes mécanismes que les autres, souvent la violence, mais qui sont basés sur l’émotion et le ressenti du joueur. On essaie de créer une expérience de jeu unique, avec une démarche presque artisanale, où l’on met beaucoup d’amour et de passion », revendique David Cage, scénariste et réalisateur interactif comme il se définit lui-même.

Un scénario à choix multiples

Avec quatre jeux en quatorze ans, le studio Quantic Dream sait créer l’attente et l’évènement. Dès la sortie de son premier jeu, Omikron, the Nomad soul en 1999, le studio français fait sensation avec une B.O de 12 titres signée David Bowie : « C’est quelque chose qu’il n’avait jamais fait, donc il avait envie d’essayer. On le voyait comme quelqu’un d’intouchable, mais en fait il est très accessible, simple et ouvert », commente David Cage.

Pour la sortie du dernier jeu, le thriller psychologique Beyond : Two Souls, en 2013, le studio a fait appel aux célèbres acteurs américains Ellen Page et Willem Dafoe : « On travaille sur un grand plateau, sans décor, sans costume, avec des caméras sur 360°. Cela demande un gros travail d’imagination pour les acteurs, quelque chose d’assez pur qui se rapproche du monde de l’enfance », souligne le concepteur. Ils doivent aussi jouer toutes les versions possibles d’une scène : dire oui, non, je ne sais pas, peut-être, puisque le scénario est à choix multiples.

Et c’est ce qui fait tout la force de Quantic Dream : ne pas raconter une histoire, mais toutes les histoires possibles et imaginables, permettant au joueur de se mettre dans la peau de plusieurs personnages et de faire avancer le récit selon ses propres choix moraux. Avec un degré d’empathie étonnant, comme avec le révolutionnaire Heavy Rain, un thriller psychologique mainte fois récompensé : « On a fait un jeu où l’on peut boire du jus d’orange et jouer avec ses enfants pendant 10 minutes. On le fait car quand le personnage va perdre un de ses fils, il y aura une vraie rupture émotionnelle pour le joueur. Tout devient jouable, du moment que cela fait sens, et c’est fascinant », s’enthousiasme David Cage.

Même si ce jeu s’est vendu à 4 millions d’exemplaires dans le monde, Quantic Dream reste atypique et minoritaire sur son secteur : « Dans les jeux vidéo, il faut toujours sauver le monde, sauver la princesse, refermer la porte des enfers. Pourquoi ne pas aborder des thèmes plus proches de nous, plus humains en somme ? Le jeu vidéo permet de se mettre "à la place de", et le fait mieux que le ciné, la télé ou la littérature. Mais on ne le fait pas, parce qu’on pense que les jeux sont destinés aux enfants, pas aux adultes. »

David Cage tente lui de faire passer le jeu vidéo à l’âge adulte, d’y amener un public plus large, en faisant un « travail d’évangélisation du marché, incroyablement conservateur ». « Quand on a éteint la console, on a passé un bon moment ou on s’est vidé la tête, mais peu de jeux vidéo vont vous marquer comme des films ou des livres peuvent le faire. Est-ce qu’on sera un jour capable de créer un jeu qui aura la force d’un Taxi Driver ou d’un Apocalypse now, la force de changer une vie ? » La réponse est peut-être entre ses manettes...

« Un espace de liberté »

Le jeu vidéo a connu un bond technologique en quelques années. Le studio Quantic Dream utilise la motion capture comme dans les blockbusters tels que Avatar ou Le Seigneur des anneaux. Les acteurs sont bardés de capteurs qui enregistrent les moindres expressions du visage et du corps, pour que les personnages du jeu vidéo collent au plus près de la réalité. Le résultat est bluffant : le jeu Beyond : Two Souls, aux 20 millions d’euros de budget, autant que le film De Rouille et d’os, a même été sélectionné au festival du film de Tribeca ! Si Quantic Dream peut bénéficier d’une telle marge de manœuvre, c’est qu’il a signé un contrat d’exclusivité avec Sony et sa PS3. « Il y a des réalisateurs de films qui m’envient parce que j’ai un vrai espace de liberté pour créer. Aux États-Unis, ils doivent rendre des comptes à 10 000 personnes, et très souvent, ils n’ont pas le final cult. C’est très rare de faire ce que l’on veut, admet David Cage. En contrepartie, on doit créer des jeux originaux et rentables. » En un an, Beyond s’est déjà vendu à plus d’un million d’exemplaires.

Des goûts et des couleurs

En boucle sur votre Ipod ?
La B.O de L’étrange Noël de monsieur Jack.

Votre livre de chevet ?
J’en lis toujours 3/4 en même temps. La Confession d’un enfant du siècle d’Alfred de Musset, Le Héros aux mille et un visages de Joseph Campbell et du Nietzsche.

Une personnalité que vous admirez ?
David Bowie, la personne la plus charismatique que j’ai rencontrée. Il a tenté énormément de choses et a une carrière comme peu d’artistes en ont.

Un endroit où vous sentez bien ?
La forêt de Fontainebleau.

Votre resto préféré dans le coin ?
Hug à Mulhouse, un resto où j’avais invité ma première petite amie.

Le truc que vous appréciez chez les autres ?
L’intelligence.

Le truc qui vous énerve chez les autres ?
J’aime pas les gens sectaires, ceux qui n’ont qu’une vérité, la leur.

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