JDS : Au-delà des données chiffrées, c'est l'émotion et la sagesse qui dominent votre premier ouvrage...
© M.O. Brice Lefaux devant l'enclos des gibbonsBrice Lefaux : Je tenais à transmettre ce que j'ai appris et observé, sans morale ni "grandes annonces". L'idée d'écrire ce livre me trotte dans la tête depuis cinq ans. J'ai démarré l'écriture peu avant le début de la pandémie, cela a duré un an et demi. Les rencontres avec Jean Wollenschneider, qui illustre certains passages du livre, ont été essentielles : je lui racontais différentes scènes que j'avais vécues, et il les transposait en dessins.
Cela fait plus de 20 ans que vous réalisez des périples d'observation dans les forêts tropicales, du Brésil à Madagascar... Quel est le moment qui vous a le plus marqué ?
Au Congo, j'ai eu les larmes aux yeux en observant des Bonobos au lever du soleil, presque en ombres chinoises dans les arbres. Tu as le p'tit vieux qui fait ses étirements, les enfants qui chahutent et la mère qui essaie de les canaliser... Ce sont nos frères, nos égaux. Savoir que ça existe, qu'ils sont bien là... j'ai ressenti une immense gratitude ! La vie vibre partout autour de toi dans une forêt tropicale. Il faut se battre pour protéger ça. Déjà gamin, à la récré, je me battais avec mes camarades qui écrasaient les insectes !
Les 2/3 du livre sont consacrés aux solutions plutôt qu'aux problèmes.
Telle action entraîne tel problème, et ainsi de suite, mais je préfère me concentrer sur les solutions. Les humains se sont un peu construits en opposition à la nature, avec parfois un sentiment de supériorité.
Il y a un passage dans le livre où je détaille plusieurs initiatives locales, de petites tailles, citoyennes, qui semblent bien fonctionner. Au Gabon, globalement, ils ont compris que leur intérêt était de préserver leur forêt grâce à une gestion durable. Le Costa Rica l'a fait aussi il y a plusieurs décennies. Mais à Madagascar, la situation est difficile. La population a été multipliée par cinq en quelques décennies. Plus de monde, c'est plus de besoins en ressources, plus d'agriculture, plus de bois... La conséquence, c'est qu'on grignote les habitats naturels des primates. Parfois, les populations locales n'ont pas vraiment d'autres alternatives. Il faut alors trouver d'autres solutions.
On se dit alors qu'on ne peut pas faire grand chose, depuis l'Alsace...
Le consommateur a son rôle à jouer : éviter le nouveau téléphone bourré de métaux rares, l'huile de palme, le soja... Si tu manges 6 steaks en moins par an, en France, cela ferait déjà 66 millions de kilos de viande économisés - soit environ 200 000 bovins - et des tonnes et des tonnes de soja en moins, qui sert à les nourrir. Ce n'est pas un effort monstrueux individuellement, mais à grande échelle, ça change tout ! Je suis assez partisan de la "frugalité heureuse".
Vous parlez aussi du rôle des zoos, qui n'est pas toujours bien compris par le grand public, qui parfois s'écrie qu'il faut relâcher "ces pauvres animaux".
Les zoos "progressistes", comme on en trouve très majoritairement en Europe, où le bien-être animal est central, constituent un pôle de conservation ex situ essentiel, un peu comme une "assurance". Sans le Parc Zoologique de Mulhouse - pour prendre un exemple proche de nous - le lémurien aux yeux turquoises serait éteint : on ne le verrait plus que dans des livres. Visiter un zoo permet également une prise de conscience du côté de nombreux visiteurs. Je l'ai constaté régulièrement à Mulhouse : on ne ressort pas du zoo tout à fait le même qu'en y entrant. Cette petite expérience positive, c'est le premier moteur du changement.
"Sauvons les Primates", livre de Brice Lefaux avec les illustrations de Jean Wollenschneider, éd.Belin - Disponible dans les librairies dès novembre 2021
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