L'anthropologie vaticane a-t-elle existé ? Le programme scientifique et politique du Musée ethnologique missionnaire (1930/40)

L'anthropologie vaticane a-t-elle existé ? Le programme scientifique et politique du Musée ethnologique missionnaire (1930/40)
Animée Maddalena Cataldi

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Au cours du XIXe siècle, les efforts du clergé dans le domaine de la préhistoire et de l'ethnologie sont extrêmement importants, mais ils n'ont jamais été dirigés par le Saint-Siège. Dans les années 1920, cependant, ces sciences acquièrent une grande importance aux yeux des hiérarchies vaticanes. En effet, Pie XI (1857-1939) entend démontrer le rôle central de Rome dans la propagation du message civilisateur du christianisme par l'ouverture du Musée ethnologique missionnaire du Latran (1927). Il entend également fonder le nouvel effort d'évangélisation de son Église sur une science. Pour ces raisons, Pie XI place Wilhelm Schmidt (1868-1954), missionnaire du SVD et anthropologue de l'université de Vienne, à la tête du musée et finance généreusement ses recherches. L'objectif de cette "ethnologie contre-réformée", comme l'appelle Suzanne Marchand, antidarwiniste et cléricale, est de produire des connaissances sur lesquelles fonder l'action des missionnaires, mais surtout de disposer d'une arme "moderne" dans la bataille pour la rechristianisation de l'Europe. Pie XII (1876-1958) confirme cette intention en nommant le successeur désigné de Schmidt à la direction du Musée, son élève, Michael Schulien (1888-1968).
À travers l'analyse de la revue publiée par le musée, mon objectif est de caractériser l'activité scientifique du musée. Par ailleurs, grâce à l'ouverture récente des Archives du Pontificat de Pie XII, les documents des Sacrées Congrégations et autres instances politiques vaticanes permettent de vérifier le poids de l'expertise du Musée sur l'horizon politique et apostolique du Vatican. Ma discussion sur l’existence d’une "anthropologie vaticane" s'appuiera sur cette recherche.
 
Maddalena Cataldi est historienne des sciences. Dans sa thèse (Centre Alexandre Koyré, École des hautes études en sciences sociales) elle a exploré l’articulation entre science et politiques patrimoniales qui a caractérisé les différentes réappropriations du domaine de l’art préhistorique en Europe. Par la suite, elle a élargi ces terrains de recherche à l’Empire anglais. Ce projet postdoctoral venait cimenter la collaboration qu’elle a nourrie depuis sa thèse avec les préhistoriens du Muséum national d'Histoire naturelle née dans le contexte de plusieurs contrats en tant qu’agent technique des collections naturalistes et de préhistoire du Musée de l'Homme et du Muséum national d'Histoire naturelle. Cette recherche l’a convaincue en outre de l’importance fondamentale de l’étude des réseaux catholiques (mais aussi anglicans) pour l’histoire de l’anthropologie et de la préhistoire, à commencer par les missionnaires ethnologues du XIXe siècle jusqu’aux « abbés préhistoriens » du XXe siècle, ainsi que de la possibilité d’étudier ces réseaux à partir des archives vaticanes. Au sein du projet Globalvat (École française de Rome), elle a eu la possibilité d’étudier ces réseaux à partir des collections conservées au Musée vaticanes.