La Table du Gourmet à Riquewihr : Jean-Luc Brendel, semeur de joie

Chaque mois, dans la rubrique Gastronomie du JDS, pénétrez dans les coulisses des plus grands restaurants étoilés haut-rhinois. Les chefs se livrent. Et les secrets de leur cuisine se révèlent. Par Mike Obri

« Il marche dans la plaine immense/Va, vient, lance la graine au loin/Rouvre sa main et recommence... » Cet extrait de Victor Hugo sied si bien au chef Jean-Luc Brendel, à la tête de la Table du Gourmet, charmant établissement blotti au coeur de Riquewihr. Étoilé Michelin depuis 20 ans, Gault & Millau d'Or 2016 : Jean-Luc Brendel est un cuisinier capé. Il faut pourtant l'imaginer faire quotidiennement des allers-retours entre la cuisine de son restaurant et son jardin potager - conduit en biodynamie - situé à quelques centaines de mètres de là. Oui, notre chef bine. Notre chef bêche. Et sème sans relâche. A la belle saison, il prend un malin plaisir à composer ses assiettes Paysage de mon Jardin, assemblages gracieux de légumes, de fleurs et d'herbes maison.

Paysage de mon Jardin, par Jean-Luc Brendel © Jean-Luc Brendel Paysage de mon Jardin, par Jean-Luc Brendel

La cuisine du jardin

« Un haricot, c'est tout bête ! Mais je suis allé le chercher tout à l'heure au jardin, et le voilà dans l'assiette. Le top ! Il faut voir tout ce qu'on peut cueillir ici, on a des biotopes incroyables (ndlr : on sent que Jean-Luc Brendel a fait des études de biologie !) C'est comme ça que je fonctionne, même pour des aliments plus exotiques. Les graines viennent de là-bas, mais ce qui m'importe c'est de les faire pousser ici ! », s'amuse notre chef.

Il nous propose de faire un petit tour dans sa cuisine (qu'il a fait déplacer trois fois déjà !) et nous y dévoile un assortiment impressionnant de fleurs comestibles et d'herbes aromatiques, ses fragrances d'été, qui viennent magnifier ses plats. Sa signature. « Cela m'a pris des années pour savoir quoi cueillir et à quel moment. Je me suis promené longtemps en forêt avec des tas de livres ! »

Pas de demi-mesures

« Ma grand-mère... c'était cette génération qui passait ses journées en cuisine. Elle faisait pousser ses légumes et nous les cuisinait... gamin, ces odeurs, ces couleurs m'ont marqué. J'ai quitté Strasbourg car j'avais besoin de vivre à la campagne. Quand j'ai acheté le petit troquet qui allait devenir la Table du Gourmet, je n'avais même pas 20 ans. Ce n'était pas raisonnable, mais il faut une part de folie pour faire ce métier ! J'ai commencé par faire de la cuisine typique de winstub. Mais pour se démarquer à Riquewihr, et donc pour survivre, il fallait proposer quelque chose de différent : ça tombait bien car j'avais toujours voulu que l'on vienne pour ma cuisine », sourit Jean-Luc Brendel.

L'homme est l'un des rares étoilés de la région à ne pas avoir été formé dans des établissements réputés, à ne jamais avoir été en contact avec les grands de la profession. « Le premier courrier que j'ai reçu de Gault & Millau, je ne savais pas qui c'était... », avoue-t-il. Le chef est un véritable autodidacte. Sa créativité est un feu intérieur, un moteur. Une force très personnelle. Sa cuisine, remarquable d'élégance et de délicatesse, aime tout autant les extrêmes. « J'aime qu'un chef mette ses tripes dans sa carte, qu'il prenne des risques. Je n'hésite jamais à marquer mes plats de contrepoints forts. Les demi-mesures, cela détruit tout. Plaire à tout le monde pour au final ne plaire à personne : où est l'émotion là-dedans ? » Nous opinons du chef, alors que monsieur Brendel nous invite à partager sa table. En toute simplicité. Son envie de communiquer l'amour qu'il porte à son métier est manifeste.

« Ce qui me fait le plus peur dans la vie, c'est de m'ennuyer. »

Jean-Luc Brendel est un homme d'envies et de projets : « Imaginez la tête de mon banquier quand je lui ai dit qu'on embauchait quatre personnes de plus mais qu'on allait faire 10 couverts de moins. Je ne vous le cache pas, avec mon équipe, on travaille sur la deuxième étoile. On a les talents qu'il faut. J'ai besoin de créer, d'aller de l'avant, je me dit parfois qu'il faudrait lever le pied... Je crois que ce qui me fait le plus peur dans la vie, c'est de m'ennuyer. »

L'ennui n'est clairement pas au menu de la Table du Gourmet. Vous y testerez des associations anchois/boeuf ou pastèque/anguille surprenantes. Et sublimes. Prenez le vin en accord : un énorme travail est effectué lors de chaque renouvellement de carte (5 par an) pour trouver les mariages parfaits. « Les bases de ma cuisine sont classiques, ce sont les fondations. Mais il ne faut pas s'arrêter là, il faut jouer une partition moderne, vivre avec son temps. S'il n'y a plus que le troisième âge qui vient goûter votre cuisine... c'est mauvais signe », philosophe-t-il. Il regarde sa montre. « Bon sang, il est déjà 15h ! » Que le bonheur passe vite à cette table-là.

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