20 ans de concerts à la Laiterie

La Laiterie à Strasbourg fête ses 20 ans sans tambours ni trompettes, mais avec la ferme volonté de programmer toujours autant de concerts, là où la magie peut opérer entre un artiste et son public. Entretien avec Thierry Danet, président d’Artefact PRL, la structure qui gère la maison.

Quel était votre état d’esprit au moment de la création de la Laiterie ?
Il existait peu de lieux de ce type en France : c’était très novateur. A l’époque, à Strasbourg, des structures organisaient des concerts ponctuels en ville, et tenaient une saison ou deux. Avec la Laiterie, il fallait créer une évidence et une habitude : que les gens viennent au concert régulièrement ! On a ouvert sur une saison très intense de 160 concerts, avec l’idée de multiplier les propositions, avec des styles musicaux différents, avec des artistes pointus dans leur domaine ou à l’audience plus large.

20 ans de concerts à la Laiterie DR 20 ans de concerts à la Laiterie

En 20 ans, La Laiterie a accueilli 10 500 artistes, parmi les plus grands (Radiohead, Alain Bashung, Daft Punk…). Comment faites-vous pour les attirer chez vous ?
Strasbourg n’était pas sur la carte des musiques actuelles : par exemple, les artistes qui jouaient en Allemagne s’arrêtaient avant en Belgique. Tout notre boulot a consisté à faire exister la salle et faire passer les tournées par Strasbourg. On a misé sur deux choses : l’esprit général de la programmation et un accueil très pro côté technique et logistique. Pour des artistes en tournée en permanence qui arrivent à 15h, jouent à 20h, repartent le lendemain ou la nuit même, c’est très important d’avoir une équipe technique qui a réglé les problèmes en amont. Pourquoi les artistes viennent toujours chez nous ? Parce qu’on est capable de les faire jouer dans les meilleures conditions possibles. Après, ce n’est plus de notre ressort : c’est ce qui se passe entre les artistes et le public. On s’est fait la réputation d’un lieu avec un public ouvert et curieux.

A tel point que la Laiterie est devenue une référence en Europe...
Oui, la Laiterie est connue dans toute l’Europe, mais c’est sans doute en Alsace qu’on le sait le moins ! Seuls les 40 ans et plus ont conscience que c’est arrivé un jour. Sinon, les autres ont l’impression que cela a toujours existé. C’était notre objectif : inscrire le lieu dans la ville. On est devenu un lieu commun dans le sens noble du terme.

Vous organisez 150 à 200 concerts par an, dans des salles en général bien pleines. A quoi ça tient ?
La magie du concert, ce qui se passe le jour où on est là. La question se pose concert par concert : est-ce qu’ils vont trouver un public ? Chaque spectateur regarde dans la programmation ce qui l’intéresse, mais chacun fait aussi attention à son porte-monnaie. De notre côté, il est très compliqué d’équilibrer notre budget à la fin de l’année, et c’est en général les concerts dans une logique de découverte qui en pâtissent. Il faut présenter les artistes à un moment où il y a un potentiel : cela ne sert à rien de les programmer trop tôt alors qu’ils auront une audience plus large dans trois mois.

En 20 ans, vous avez vu passé nombre d’artistes, certains vous ont-ils marqués plus que d’autres ?
C’est difficile de sortir l’un ou l’autre du lot : un artiste fondamental peut-être anecdotique et un artiste anecdotique peut-être fondamental. Moi, ça me fait toujours un truc quand je passe dans le hall et que je croise tel ou tel artiste, soit parce que j’ai une relation particulière à lui, soit parce qu’il dégage quelque chose de très fort.

Si vous deviez convaincre de la nécessité de la Laiterie, que diriez-vous ?
De l’extérieur, on pourrait penser que les concerts sont de sympathiques divertissements pour les jeunes – et on ne s’est pas privé pour nous le dire – mais c’est fondamental. Tous les mouvements pop sont en interaction avec la société, racontent une histoire et nourrissent un propos : il y a eu le rock’n’roll, le psyché, le punk, la techno… Quand Patti Smith vient chanter Piss Factory, on peut se contenter de dire que c’est du rock’n’roll, mais cela dit aussi beaucoup de choses sur la société et l’état du monde. Ce qui est beau, c’est qu’il n’y a pas d’académie pour codifier tout ça et nous dire quoi penser : tout le monde est en prise direct. C’est l’histoire de la Laiterie, on a accueilli toutes ces petites capsules pop, autant de moments où il peut se passer quelque chose de crucial chez quelqu’un, et on doit faire en sorte que ces moments puissent se répéter. J’aime beaucoup cette citation de David Thomas, chanteur de Pere Ubu : « Nous avons eu la folie de considérer le rock comme un art ».

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