Jean-Claude Goudot

Une loi, votée à l’unanimité le 14 avril 1954, institue le dernier dimanche d’avril pour la commémoration des "victimes de la déportation et morts dans les camps de concentration du IIIe Reich au cours de la guerre 1939-1945". Cette date a été retenue en raison de sa proximité avec la date anniversaire de la découverte des camps, et parce qu'elle ne se confondait avec aucune autre commémoration.

Cette année, cette journée nationale est organisée le dimanche 27 avril avec une cérémonie officielle à 11h devant le mémorial de la déportation du cimetière des Chaprais sur lequel sont gravés 102 noms de déportés. Et le mardi 29 avril, à 15h, le Collectif Histoire des Chaprais organise une conférence, salle Proudhon (Kursaal) à Besançon sur La déportation en Franche-Comté (entrée libre dans la mesure des places disponibles).

À cette occasion sera projeté le film d’Alain Resnais Nuit et Brouillard ainsi qu’une interview de Madame Jacqueline Teyssier, réalisée en 2020 par FR3. Rappelons que Madame Teyssier a été déportée à l’âge de 20 ans, parce que juive, par le convoi n°74 en date du 20 mai 1944, à Auschwitz puis à Bergen-Belsen. Durant 30 ans, elle a témoigné inlassablement de l’horreur de ces camps dans les établissements scolaires de la région. Elle est décédée en 2022, à Roche-lez-Beaupré où elle s’était installée.

En Franche-Comté, comme dans toute la France, on recense deux grandes catégories de déportés unis dans le malheur et la mort.

• Tout d’abord, les déportés victimes des camps d’extermination organisés par les nazis à l’encontre des juifs et des tziganes : plus de 1 200 personnes, en Franche-Comté, seront englouties dans ce désastre !
• Une plaquette éditée en 1997 par la LICRA de Besançon concernant La déportation des enfants juifs en Franche-Comté recense 43 noms d’enfants juifs nés en Franche-Comté, vivant ou rassemblés dans notre région. Un des plus jeunes, Jean Kahn, un an, est né à Gevingey dans le Jura.
• Et 27 enfants belges ou hollandais réfugiés dans notre région, sont arrêtés et déportés également. Le plus jeune, Salomon Semel, 10 mois, né à Anvers, fait partie du regroupement de Belfort. Ils sont tous dirigés vers le camp d’Auschwitz pour être exterminés.

Autre catégorie, les déportés victimes de la répression la plus féroce parce que résistants, otages, raflés, réfractaires au service du travail obligatoire en Allemagne. Ils sont quelques 3 719 déportés dont 1 753 « non rentrés » en Franche-Comté dont 1 231 pour le Jura, 1 023 pour le Doubs, 890 pour la Haute-Saône et 575 pour le Territoire de Belfort.

Les nazis feront preuve d’un acharnement insensé puisque au moins 7 départs de convois vers les camps de la mort sont organisés de fin juin à la mi-novembre 1944.

Rappelons que si Morteau est libérée par les FFI le 24 août 1944, Besançon le 8 septembre, des villes comme Audincourt ne le sont que le 18 novembre et Belfort le 23 novembre 1944.

À Besançon, un dernier convoi part le 24 juin 1944, pour Dachau essentiellement. Il emporte 244 hommes et 23 femmes accusés de résistance et regroupés à la prison de la Butte. Ils ont été livrés à l’Occupant par « l’État français » du régime de Pétain à Vichy. Parmi eux, 1 fille et 1 garçon de 15 ans ! Parmi les personnes qui ont pu être identifiées, 106 ne sont « pas rentrés ».

À Belfort, un dernier convoi part le 17 novembre pour Gaggenau, 6 jours avant la libération de la ville !

80 ans après la libération des camps, il convient de se souvenir. Car comme l’a écrit le grand dramaturge allemand Bertolt Brecht : « Le ventre est encore fécond d’où a surgi la bête immonde ! »