Exposition "Sur le motif, S'accorder"

Sur le motif

Il en a fallu du temps pour s’accorder, non pas seulement sur le motif mais aussi sur ce titre. Je me souviens des discussions entre les artistes : s’accorder, mais qui s’accorde ? A qui ? A quoi ? « Il ne s’agit pas de s’accorder entre nous ». En d’autres termes, il n’est pas question de faire école, sous-entendu, nous ne sommes pas des disciples. Ce débat, rapidement tranché, avait eu lieu lors du tournage du film avec celui qui ne voulait surtout pas être considéré comme un maître. Le seul maître, ou plutôt le seul sujet qui vaille vraiment, c’est le motif, ce qui les rassemble tous. Alors, s’accorder sur le motif, trouver un accord pour le désigner comme sujet principal et, cela étant, travailler à s’accorder, en personne, avec lui. Mais est-ce si simple ? Cela supposerait que le motif serait une chose extérieure.  Mais est-ce vraiment le cas ? Le motif n’est-il pas, d’abord, comme son étymologie l’indique, un mouvement ? Ou, du moins, dans un premier temps, ce qui met en mouvement. Ce qui fait, entre autres, qu’à 90 ans passés, Alexandre Hollan, comme il le dit dans le film réalisé par Illés Sarkantyu, Les impressions vivantes, se lève dès les premières lueurs du jour pour devancer les grandes chaleurs. Ce qui conduit Jean-Baptiste Née à se retrouver des heures durant dans la neige des sommets luttant contre le froid et plus encore contre le gel qui empêcherait la poursuite du travail. C’est donc cela le prix à payer. Mais pour quoi ? Une bonne photographie ne ferait-elle pas l’affaire ? Et peut-on photographier ce mouvement dont il était question précédemment ? Et que faire alors de toutes les sensations : le chaud, le froid, la lumière ; le sentiment de l’espace aussi, devant mais aussi au-dessus (le vaste ciel), sur les côtés, derrière - cela compte aussi, autant, peut-être plus. Cette sensation d’un vaste espace dans lequel on se tient, dans lequel le motif se tient ou, plutôt, circule. Se tenir non pas devant mais dedans. Pour reprendre la formule de Maldiney au sujet de Tal Coat : le monde non pas comme spectacle mais comme milieu. Et ce milieu n’est pas forcément grandiose. Je pense au marronnier que Félix Studinka retrouve chaque matin dans un parc public de Zürich où il vit. Une essence commune, banale, si ordinaire… Justement ! 

Et si le motif n’était pas seulement devant soi, ou autour de soi mais en soi ? Et s’il s’agissait, finalement, d’accorder ce motif à l’intérieur de soi avec celui qui circule autour de soi, dans un double mouvement qui va du dedans au dehors – ou l’inverse – et retour ?

Olivier Delavallade