Récital d'orgue par Sarah Kim à l'abbatiale Saint-Ouen de Rouen

C’est sur l’un des instruments les plus emblématiques de l’art français que la concertiste internationale Sarah Kim propose un voyage musical d’une rare finesse. Le majestueux grand orgue Cavaillé-Coll de Saint-Ouen, véritable cathédrale sonore, offre un écrin idéal à un programme entièrement consacré à la création française du XXᵉ siècle — siècle d’audaces, d’expérimentations, mais aussi de profonde spiritualité.

© Meng Phu Récital d'orgue par Sarah Kim à l'abbatiale Saint-Ouen de Rouen

Le récital s’ouvre avec les Trois Improvisations de Nadia Boulanger (1887-1979), figure tutélaire de la pédagogie musicale. Peu jouées et encore trop méconnues, ces pages révèlent un langage harmonique d’une grande sensibilité, à la fois retenu et lumineux. Prélude, Petit Canon et Improvisation témoignent de l’élégance rare et de l’intériorité qui caractérisent toute l’œuvre de celle que l’on surnommait « Mademoiselle ».

Se place ensuite un hommage tendre et poétique à Lili Boulanger (1893-1918), sœur cadette de Nadia et prodige disparue trop tôt. Sarah Kim interprète D’un Jardin clair, le deuxième des Trois Morceaux pour piano, dans sa propre transcription pour orgue. Cette miniature raffinée, baignée de lumière, prend sur le Cavaillé-Coll une ampleur nouvelle, sans perdre son charme délicat.

Le programme se poursuit avec le Prélude et Fugue en ut majeur, op. 13, de Jeanne Demessieux (1921-1968). Virtuose légendaire, compositrice d’une écriture fulgurante, Demessieux y déploie une maîtrise souveraine du contrepoint et une énergie presque architecturale. Cette œuvre brillante, à la fois majestueuse et jubilatoire, trouve sur l’orgue de Saint-Ouen un terrain d’expression privilégié.

Enfin, le récital s’achève sur un moment de grande intensité : six extraits des “13 Improvisations sur les Versets de Vêpres” de Pierre Cochereau (1924-1984), reconstituées avec précision et passion par Jeanne Joulain. Ces pages — I, III, VI, VII, IX et XIII — restituent l’art incomparable de Cochereau, maître de l’improvisation symphonique française. Tour à tour flamboyantes, méditatives, rythmiques ou expansives, elles révèlent toute la palette expressive de l’instrument.

Avec ce programme traversé par les voix singulières de quatre compositeurs, Sarah Kim offre une plongée dans un siècle de création française, porté par un instrument mythique et une interprète à la musicalité profonde. Un récital où se conjuguent poésie, virtuosité et éclat sonore.