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Edmunds Freibergs adapte Oncle Vania à la Comédie de l'Est : "L’une des forces de Tchekhov est de fouiller au plus profond de l’âme humaine"

Edmunds Freibergs, metteur en scène du Théâtre national de Lettonie, adapte Oncle Vania pour la Comédie de l’Est. Rencontre avec un amoureux de Tchekhov, un « génie inépuisable ».

Vous dites que vous faites un travail de « laboratoire » avec les artistes de la Comédie de l’Est. Cela veut dire que vous n’arrivez pas avec des idées toutes faites ?

Je ne commence pas le travail avant d’être arrivé sur place, parce que c’est un travail collectif, entre le metteur en scène et les acteurs. La priorité est donnée au travail des acteurs autour de leurs personnages, moins à la scénographie, c’est pourquoi nous faisons beaucoup de recherches, d’improvisations. Par exemple, les acteurs imaginent les monologues intérieurs des personnages, puis on rajoute des couches et des couches au fur à mesure pour prendre plus d’épaisseur. Le but de ce travail est de trouver le chemin vers le rôle à travers soi-même.

Le metteur en scène Edmunds Freibergs en répétition avec les acteurs de la Comédie de l'Est © André Muller Le metteur en scène Edmunds Freibergs en répétition avec les acteurs de la Comédie de l'Est

C’est donc un théâtre plus personnel ?

Oui, on peut dire ça.

Quel est l’intérêt pour vous d’adapter encore et encore ce grand classique de la littérature russe aujourd’hui ?

Au départ, il s’agit d’une proposition de la Comédie de l’Est, mais je l’ai acceptée avec grande joie car Tchekhov est un de mes auteurs préférés, un génie inépuisable. J’ai déjà monté plusieurs pièces de lui, comme Les trois sœurs, et également Oncle Vania. Cette pièce est comme une pierre précieuse : quand on la met à la lumière, de quelques côtés qu’on la regarde, on voit une nouvelle couleur, une nouvelle forme, elle est toujours aussi fascinante ! Et pourquoi monter encore Tchekhov aujourd’hui ? Parce que le monde est tellement pris par ses problèmes sociaux et politiques qu’il en oublie l’humain, or cette pièce nous parle de l’âme humaine, de la solitude, de la quête, du bonheur, de l’envie… Des sentiments très proches de nous. La question centrale soulevée par Oncle Vania est : comment vivre ? C’est une question très simple, mais essentielle, et très actuelle. Dans ce monde qui va trop vite, comment ne pas s’éparpiller, comment ne pas se perdre, comment s’arrêter pour se poser les vraies questions ?

Cette pièce donne une vision assez cynique de l’homme, parce qu’au final ce sont les personnes aux services des autres (les faibles, les moches…) qui sont les grands perdants malgré leur intelligence…

Tchekhov ne cherche pas à donner un mode d’emploi. Il parle de choses qui nous touchent, qui font mal. Il nous parle de ces gens qui ne sont pas au bon endroit, qui ont envie de changer de chemin, et il se demande jusqu’où ils peuvent aller. Est-ce que tout est dans la main de l’homme ou est-ce qu’il y aussi une part du destin ? Est-ce que tout est voué à l’échec ? Il y a de nombreuses situations où les personnages n’agissent pas, alors qu’ils pourraient le faire. La pièce a été écrite à une époque où la Russie était devant de grands changements, et je crois qu’on peut tracer un parallèle avec la situation en Europe aujourd’hui. Devant ces grands bouleversements, les gens sont perdus et inactifs. Il y a comme une perte de la force vitale, une perte de la foi, de nombreuses contradictions à l’intérieur de soi.

C’est une pièce avec énormément de variation de registre, passant du vaudeville au mélodrame, de l’introspection à la colère…La difficulté de la pièce n’est-elle pas de trouver un juste équilibre entre toutes ces émotions ?

Oui, nous faisons justement ce travail de laboratoire pour trouver un équilibre ou un déséquilibre. On ne verra jamais chez Tchekhov une scène comique, suivie d’une scène tragique : tout est mélangé, ce qui faisait justement la grande nouveauté de son travail. Il est parfois intransigeant, cruel, mais une de ses forces est de fouiller au plus profond de l’âme humaine. C’est comme si on l’entendait dire : comment vivez-vous donc ? Il a mal au cœur pour ces personnages, mais ce n’est ni un juge, ni un procureur, ni un père qui a un amour aveugle…C’est un médecin : pour guérir, il ne faut pas juste avoir de la pitié ou de la compassion, il faut  parfois faire mal.

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