La chute

Après une embardée, la Facel Vega de Michel Gallimard percute un premier platane, rebondit sur un autre et se disloque le 4 janvier 1960. L'horloge du tableau de bord est bloquée à 13 h 55. Albert Camus, le plus jeune prix Nobel de littérature, vient de mourir à 47 ans.
La Chute sera donc le dernier roman publié de son vivant. Le plus autobiographique aussi. Ce texte aborde un des thèmes essentiels de la “condition humaine” : la responsabilité de tous dans le naufrage de l'humanité.
Un certain Jean-Baptiste Clamence se confie à un inconnu, dans un bar douteux d’Amsterdam. S’écoule alors la longue confession de ce héros des temps modernes qui préfère la fuite, la chute au jeu du pouvoir et de l'apparence.
Clamence opère ensuite le retournement : le pénitent qui s'accuse devient juge...
Car nous sommes tous coupables : pour une mèche de cheveu qui dépasse, pour un regard mal dirigé, une couleur de peau... Donc tous punissables !

“J’avais déjà parcouru une cinquantaine de mètres lorsque j’entendis le bruit d’un corps qui s’abat sur l’eau. Le silence qui suivit, dans la nuit soudain figée, me parut interminable. J’ai oublié ce que j’ai pensé alors. "Trop tard, trop loin..." Puis, à petits pas, je m’éloignai.
Je ne prévins personne. Quoi, cette femme ? Ah, je ne sais pas, mais sur les ponts de Paris, j’ai appris moi aussi que j’avais peur de la liberté. Vive donc le maître, quel qu’il soit !”