La cité ouvrière de Mulhouse

Nous sommes en 1853, une ère industrielle florissante pour la ville de Mulhouse, surnommée "la Manchester française". Avec la croissance démographique exponentielle liée aux nombreuses usines, les grands patrons de l'époque comme Jean Dollfus, de Dollfus-Mieg et Compagnie, lancent un projet de construction précurseur avec la création de "La Société mulhousienne des cités ouvrières". Voici son histoire...

La cité ouvrière de Mulhouse © DR

Un quartier idéal...

Les conditions de vie sont difficiles pour les nombreux ouvriers des usines textiles et autres manufactures de la ville de Mulhouse et les grands patrons de l'époque en avait pleinement conscience. Leur idée ? Fort d'une culture philanthropique et paternaliste très en vogue dans toute l'Europe, les industriels seront douze fondateurs–actionnaires de la Société Mulhousienne des cités ouvrières (SOMCO).
Les fabriques textiles et filatures des Dollfus, des Koechlin, et des Zuber mettront à dispositions de leurs ouvriers des maisons avec jardin, avec un système de location-vente révolutionnaire permettant aux familles de devenir propriétaires après une période de 13 à 15 ans.

Un modèle de maison dite "carré mulhousien" © DR

Le projet est alors confié à l'architecte Emile Muller, qui imagina un quartier idéal avec un plan damier. Les travaux débutèrent en 1853 avec plus de 1240 maisonnettes construites.

Un modèle de réussite

Les familles trouvèrent très vite leurs marques dans ce nouveau quartier et ses habitations modernes et confortables. On retrouve plusieurs types de maisons : celles en bandes dos à dos, avec un jardin à l'avant, les maisons en bandes entre cour et jardin et les maisons carrées divisées en quatre lots avec chacune leurs entrées individuelles et leurs jardins. C'est cette disposition qu'on appelle le "carré mulhousien". La cité ouvrière de Mulhouse fut une réussite à la fois sociale et urbaniste. Elle regroupait à la fin du XIXe siècle, plus de 10% des habitants de la commune de Mulhouse ! Elle a inspiré d’autres cités ouvrières célèbres en France comme celle de la chocolaterie Menier à Noisiel ou encore la cité ouvrière Inselhof de Munster et la Cité-jardin Ungemach à Strasbourg.

La cité ouvrière de Mulhouse © French-Moments
 

Un quartier ouvrier éternel

L'agrandissement de la cité ouvrière perdure jusqu'en 1897, après cette date, la mécanique d'expansion de l'industrie mulhousienne va commencer à s'inverser pour mener à un déclin. Si les usines ont aujourd'hui disparu, il en reste un quartier vivant et éternel d'environ 1000 maisons.

La cité ouvrière de Mulhouse © French-Moments

D'une cité ouvrière à une cité Manifeste

La cité Manifeste est un ensemble de 61 logements, reprenant la philosophie et le plan urbanistique de la cité ouvrière en le réinterprètant de façon originale par des grands noms de l'architecture. C'est pour fêter les 150 ans d'existence de la cité ouvrière qu'en 2005 les travaux furent achevés.
On retrouve parmis les architectes ayant collaboré au projet le prix Pritzker 2021 ; Anne Lacaton & Jean-Philippe Vassal, Jean Nouvel, Shigeru Ban et Jean de Gastines, Duncan Lewis avec Potin + Block... Des architectes ayant saisi l'importance d'optimiser les surfaces et de proposer, comme 150 ans auparavant, un confort de vie à un prix abordable.

La cité Manifeste de Mulhouse © DR

La cité Manifeste est une des expérimentations architecturales les plus ambitieuse des années 2000-2010, du fait de la qualité de ses acteurs et du fait qu’elle a remis en question de nombreuses problématiques de l’époque en matière de projet. Un exemple d'un savoir-faire unique et impérissable à retrouver à Mulhouse.