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Mulhouse : le conservatoire botanique sauve la flore en danger

Le Conservation botanique mulhousien recèle des trésors : près de 500 espèces de la flore alsacienne et du monde menacées de disparition et conservées au froid. C’est ce qu’on appelle une banque de graines, et ce sont les jardiniers mulhousiens qui les ont fait pousser sur place!

C’est une petite originalité au sein du service des Jardins Publics et Espaces Verts de Mulhouse : un conservatoire botanique, lancé dès 1985 par Jean-Pierre Reduron, alors directeur du service et déjà conscient de la disparition inquiétante de certaines espèces.

Mathieu Hildebrand et Muriel Litzer font germer et pousser des plantes, qui comptent parmi les plus menacées, en dehors de leur milieu naturel : un travail de pionnier reconnu dans les autres conservatoires botaniques de France © Sandrine Bavard Mathieu Hildebrand et Muriel Litzer font germer et pousser des plantes, qui comptent parmi les plus menacées, en dehors de leur milieu naturel : un travail de pionnier reconnu dans les autres conservatoires botaniques de France

Céline Guillot, qui a repris le flambeau aujourd’hui, ne cache pas sa fierté : « Ici, on participe à l’embellissement de la ville de Mulhouse et au cadre de vie des habitants. Mais on a un trésor en plus, une banque de graines de la flore menacée, venant d’Alsace mais aussi de l’autre bout du monde. On fait le pendant végétal de ce que fait le zoo de Mulhouse. On a une vraie mission de service public, avec la préservation et la réintroduction d’espèces. »

Des plantes sur la liste rouge

Et l’urgence est réelle. Le Conservatoire botanique d’Alsace a mis à jour en 2014 une liste rouge, répertoriant les plantes herbacées menacées : 76 sont en danger critique, 179 en danger, 184 dans une situation vulnérable et 115 quasiment menacées quand 29 autres ont d’ores et déjà disparues.

« On pourrait se demander : pourquoi sauver ces espèces ? Mais plus il y a d’espèce de plantes, mieux c’est au niveau de la diversité écologique. Quand une plante disparait, de nombreux insectes qui la butinent peuvent disparaître, puis les animaux qui se nourrissent de ces insectes : c’est tout une chaîne, avec au bout l’homme », rappelle Véronique Scius-Turlot, ingénieur principal au Conservatoire.

Depuis 1993, la pépinière municipale abrite un « laboratoire » où sont conservées quelques 500 espèces. À leur chevet, deux jardiniers passionnés, spécialisés dans la conservation ex-situ, c’est-à-dire la sauvegarde des espèces en dehors de leur milieu naturel, qui fait la renommée de Mulhouse ailleurs en France.Leur exploit ? Cultiver des plantes sur lesquelles il y a très peu ou pas du tout d’informations.

Récolter le plus de graines possible

Tout commence par la récolte des graines dans la nature. Elles sont alors fichées pour conserver une traçabilité : nom de la plante et du collecteur, lieu et date du prélèvement, état de la population, etc. « Toutes les données sont importantes pour les botanistes et pour le futur. Les aléas climatiques, les aménagements du territoire, l’agriculture intensive entraînent des modifications : il peut ne rester que quelques individus aujourd’hui d’une plante qui était encore en grand nombre il y a 25 ans », explique Mathieu Hildenbrand, jardinier et pionnier de l’aventure.

Il faut ensuite faire des semis, reconstituer le milieu de culture de l’espèce. Pour leurs essais, les botanistes ne prennent que quelques graines pour ne pas épuiser leur stock et mettent en place un premier protocole : « Dans la majorité des cas, ce sont des plantes qui n’ont jamais été cultivées. Si ça ne marche pas du premier coup, on essaye avec d’autres substrats, d’autres conditions de température, etc. », poursuit le jardinier.

Quand la plante a germé, qu’elle a grandi et fleuri, les botanistes essayent de récolter le plus de graines possibles en été et en automne : « Il faut plusieurs centaines de pieds pour que ce soit intéressant d’un point de vue génétique », remarque Mathieu Hildenbrand. « On ne fait aucune sélection pour avoir une génétique différente : on a besoin des tordus comme des tout droit. C’est ce qui fait la diversité », complète Véronique Scius-Turlot.

Des graines conservées au froid pendant 10 à 50 ans

Les graines sont ensuite nettoyées en hiver : « On les passe dans des tamis de différentes tailles pour enlever la poussière, les cailloux, les parasites… On les passe ensuite dans un dessicateur avec du gel de silice pour absorber l’humidité », explique Muriel Litzer, jardinier botaniste.

Les espèces sont ensuite rangées…au frigidaire ou au congélateur par moins 20° : elles peuvent ainsi être conservées entre 10 et 50 ans. « Si jamais une espèce disparaît de son milieu, on aura les graines et le protocole pour les réintroduire dans la nature », indique Véronique Scius-Turlot.

L'Androsace halleri réintroduit au Grand Ballon

Le conservatoire botanique mulhousien en a déjà fait l’expérience. Au Grand Ballon, il a permis la réintroduction de l’Androsace halleri : « Il ne restait que 11 pieds : on a pris un échantillon de chaque individu existant pour faire une bouture. Après 4 à 5 ans, on a semé des graines à deux reprises dans des petites logettes dans les rochers. En 2016, on a compté plus de 200 plantes et plantules en laissant faire la nature. Maintenant, la population est stable », se réjouit Mathieu Hildenbrand.

Le conservatoire travaille maintenant sur un autre programme de réintroduction, piloté par le conservatoire national de Franche-Comté : le saxifrage œil-de-bouc, une relique glaciaire, plante rare de tourbière et d’altitude.

Le but du jeu est cette fois d’obtenir un millier de pieds dans chaque conservatoire participant. Pour l’instant, on est loin du compte : « On a eu deux pieds qui ont fleuri l’an dernier, mais sans donner de graines. Ce n’est jamais gagné d’avance », souligne humblement Véronique Scius-Turlot. La botanique, ou l’école de la patience...

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