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Mitsuo Shiraishi, artiste peintre et graveur

Installé depuis plus de 20 ans à Mulhouse, le Japonais Mitsuo Shiraishi réalise des peintures et des gravures, représentant des objets éparpillés dans des paysages dépouillés. Une œuvre poétique et onirique.

Propos recueillis en novembre 2014.

Mitsuo Shiraishi dans son atelier à Mulhouse. DR Mitsuo Shiraishi dans son atelier à Mulhouse.

Il avait pris une année sabbatique en France pour visiter les musées et approcher au plus près les œuvres d’art à ses 20 ans. Depuis, il n’est jamais reparti. Mitsuo Shiraishi qui n’aimait pas les écoles d’art au Japon, qui n’aimait pas Paris parce qu’il y avait trop de Japonais, qui n’aimait pas la façon de travailler aux Beaux-Arts de Lyon, a finalement trouvé son bonheur aux Beaux-Arts de Mulhouse : « Ici, c’était possible de faire ce que je voulais, mais j’avais autant de problèmes qu’avant à l’école – je n’ai jamais été bon élève, c’est sûr », sourit-il. Difficile de l’imaginer en rebelle tant l’homme paraît calme, tant ses œuvres sont méticuleuses : « Chez moi, il y a une sorte de bouillonnement mental, mais concentré en tout petit », précise-t-il.
L’Est de la France et la proximité avec l’Allemagne présentent un autre avantage : la culture de la taille-douce y est plus importante qu’ailleurs et l’étudiant s’est découvert de grandes affinités pour la gravure : « La plaque de cuivre, même si c’est un matériau très dur, offre un rendu très précis, donc ça collait parfaitement avec mes dessins très minutieux. En gravure, on peut profiter de l’espace vide, de la partie non dessinée, ce n’est pas la peine d’aller plus loin. Je parsème donc quelques éléments, selon mes observations de la nature et des objets, pour exprimer quelque chose simplement. » Ses capacités attirent l’œil de Rémy Bucciali, imprimeur et éditeur à Colmar, qui prend Mitsuo Shiraishi sous son aile : il l’encourage à produire, expose ses œuvres dans une foire d’art internationale à Düsseldorf et lui offre un emploi après ses études. « Comme je ne pense pas à gagner de l’argent avec mon art, je suis très libre, je ne suis pas dans la séduction », souligne l’artiste.
Une tendresse pour les objets
De son Japon natal, il a gardé un goût très prononcé pour la représentation de la nature. Mais celle-ci est parsemée d’objets hétéroclites, où les jeux (manège, balançoire, échec…) tiennent une place privilégiée : « Il y a un côté très enfantin que je garde en moi, mais je porte un regard d’adulte sur le souvenir et le vécu. Ces objets sont liés à des souvenirs très chers et j’y ai un attachement très fort, je dois être à l’aise avec eux pour les représenter. Je peins avec un certain amour », commente l’artiste. Toujours joueur, Mitsuo Shiraishi s’amuse aussi à nous perdre en chemin, à travers des routes sinueuses, des labyrinthes, des toiles d’araignées, bref des lignes qui se perdent… «Cela induit une notion de temps, de distance, de mobilité. La peinture n’est pas figée : on peut voyager à l’intérieur de l’image à partir des indices que j’ai laissés. Moi, j’ai fait la moitié du chemin en disposant tel objet à tel emplacement, le reste du chemin est à faire par le spectateur. Il y a donc une mise en scène : l’image est mentalement physique. » Mistuo Shiraishi, qui a intitulé sa dernière exposition Quiètude inquiète n’est pas à un oxymore près !
Son jeu favori, ou sa plus grand contradiction, est de rendre visible l’invisible, de rendre présent l’absent, c’est-à-dire l’humain, dont son œuvre est curieusement dépourvue : « La représentation d’un humain, ne serait-ce que d’une silhouette, détermine déjà selon moi un caractère. Quand je réalise un décor, je veux que celui qui regarde puisse se projeter lui-même, ou quelqu’un qu’il connaît, dedans. Donc je laisse une interprétation la plus large possible pour le spectateur. » La présence humaine se matérialise autrement : un arrêt de bus, une cabine téléphonique, un lampadaire… Une lueur dans un décor sombre, dans un paysage désolé, mélancolique comme un tableau d’Hopper : « Cette lumière, c’est comme un phare pour les marins. Ce peut être très précieux, mais ce n’est peut-être pas le but à atteindre. » Ne serait-ce pas là le début de la sagesse ?

Des goûts et des couleurs

En boucle sur votre iPod ?
J’aime la musique élisabéthaine et un peu de rock (Radiohead, Portishead...)
Votre livre de chevet ?
Un livre qui m’a marqué à l’adolescence, Tonio Kröger de Thomas Mann
Une personnalité que vous admirez ?
Pieter Brueghel l’ancien et Utagawa Hiroshige, deux références l’un dans l’art occidental, l’autre dans l’art japonais. Ils m’ont servi de repères, dans leur manière d’observer la nature.
Un endroit où vous sentez bien ?
Dans ma cuisine : j’adore cuisiner et manger
Votre resto préféré dans le coin ?
L’Atelier du peintre à Colmar, pour sa cuisine gastronomique française
Le truc que vous appréciez chez les autres ?
La sincérité
Le truc qui vous énerve chez les autres ?
L’égocentrisme

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