Nous avons vu passer les ombres

Dans la pénombre d’un lieu de passage, les figures surgissent comme des réminiscences. Elles veillent, implorent. Elles ne racontent pas, elles évoquent. Ce sont des corps de silence, des gestes suspendus entre matière et lumière, nés de l’argile, de l’attente, du souffle suspendu d’une voix oubliée.

© Antoine Nous avons vu passer les ombres

Agnès Clouet peint ce qui échappe : non pas le récit, mais la rémanence. Inspirée par Redon ou Moreau, elle ne reproduit pas la scène sacrée — elle en prolonge l’écho. Ses visages dérobés, ses halos vacillants, sont des apparitions. Une lumière trouble traverse la toile, comme si chaque image portait en elle sa propre obscurité.

À ses côtés, Marie-Jo Hostache sculpte la présence dans sa plus fine fragilité. Ses figures d’argile veillent, gardent la faille — ce seuil ténu où la matière hésite à se dissoudre. Elles guettent les signes, les souffles, les éclats d’un monde oublié.

Ici, l’humanité s’avance sans nom, sans destin, portant en elle la mémoire d’un feu éteint. Des voix flottent entre les voûtes. On croit entendre Eschyle, Rilke, Hugo. On ne voit plus que des âmes en transit, des suppliants sans dieu, des veilleurs sans horizon. On sent alors dans chaque trace, dans chaque silence, la mémoire d’un monde évanoui – celui où les formes endossaient une âme, celui dont les cieux, peut-être, se sont tus.

Entre la terre et l’oubli, il reste un seuil. Et sur ce seuil, l’âme cherche encore à se dire. Nous sommes là, au seuil du visible et de l’invisible, là où l’ombre cherche encore la lumière. Là où la forme se fragmente et où l’âme vacille.