Dissident, il va sans dire

Hélène et Philippe, mère et fils, habitent ensemble. Reliés l’un à l’autre par un fil, une tension fragile à fleur de peau. Lui voudrait pourtant se dégager d’elle, de la société, du monde. Dissident, il l’est avec passivité. Il va. Il va sans dire. Tour à tour enfant fragile, adolescent désoeuvré, animé par un désir d’indépendance, rebelle au monde. Elle dit. le discours des parents. Elle dit avec passion, hésitation, discrétion. Tour à tour protectrice, exigeante, complice, copine, et tout simplement femme.

Les Tréteaux au festival Momix

Pour la première fois, la compagnie mulhousienne spécialiste du spectacle jeune public pose ses tréteaux au festival de Kingersheim, avec une reprise de Dissident il va sans dire. La pièce de Michel Vinaver tisse le fil fragile qui se noue et se dénoue entre une mère et son fils de dix-sept ans.

Une famille décomposée, le chômage, la drogue, la délinquance : écrite il y a trente ans, la pièce de Michel Vinaver n’a jamais paru aussi moderne. A la fois dans ses thèmes et dans son écriture. «Vingt ans avant tout le monde, Vinaver a inventé l’écriture contemporaine fragmentée», explique Gervais Gaudreault, directeur du Théâtre du Carrousel et metteur en scène de la pièce, totalement sous le charme de cette plume visionnaire. «Il y a une telle perfection dans l’écriture que c’est un régal à jouer pour les comédiens», insiste le Québecois.
Amis de longue date, les Tréteaux de Haute-Alsace et le Théâtre du Carrousel ont travaillé ensemble pour la première fois l’année dernière, à l’occasion de la création de ce spectacle. «Il y a toujours eu entre nous une sensibilité et une complicité très naturelle», confie Cathy Aulard, des Tréteaux, qui incarne Hélène, la mère. Le comédien Samuel Vittoz, fraîchement sorti du Conservatoire de Paris, joue le rôle de Philippe, le fils. «Il y a chez lui beaucoup de vérité. Lorsqu’il a passé le casting, je me suis dit que j’aimerais bien l’avoir pour fils !», raconte Cathy Aulard.
Mais entre la mère et le fils, la relation est complexe, se nourrissant d’un troublant dosage d’amour, de résistance, de confrontation liant deux êtres esseulés. «Chacun a ses vulnérabilités. Ils sont très durs l’un envers l’autre, mais ne se jugent jamais. L’auteur laisse d’ailleurs de nombreux points de suspension, comme un espace laissé au public», précise Gervais Gaudreault.
Savamment construit en fragments concentrés à l’extrême qui s’imbriquent les uns dans les autres, Dissident il va sans dire interpelle d’autant plus qu’il saisit tant de vie en si peu de mots.