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Samudaripen, la mémoire des Tziganes

Slam et hip-hop

Par la Cie Mémoires Vives.

Autour de la danse hip-hop, du slam et du rap, la compagnie strasbourgeoise Mémoires Vives poursuit son travail autour des « oubliés de l’Histoire » et s’intéresse, avec le spectacle Samudaripen, au sort du peuple tzigane pendant l’Holocauste.

Le Samudaripen. La Shoah des Tziganes. Le génocide, en langue rom. Un pan de l’histoire de la Deuxième Guerre mondiale passé sous silence. «Les Tziganes ont un rapport spécial à la mort, c’est un sujet tabou dans leur culture, raconte Yan Gilg, le directeur artistique de la compagnie Mémoires Vives. Et c’est un peuple de l’oralité, pas de l’écrit, ce qui explique que le travail de mémoire n’a pas été fait autour du Samudaripen, comme il a été fait autour de la Shoah.»

Signe que « quelque chose » se passe actuellement, le spectacle a vu le jour – parfait hasard du calendrier – quasiment en même temps que le film de Tony Gatlif, Liberté, en ce moment sur les écrans, et qui traite précisément du même sujet.

Une plongée dans l’univers des camps

Initié par Mickaël Stoll, l’un des pionniers de la danse hip-hop en Alsace, lui-même d’origine manouche, le spectacle Samudaripen fait écho à la raison d’être de la compagnie Mémoires Vives : mettre en perspective la mémoire collective et les oubliés de l’Histoire, en se servant des modes d’expression de la culture hip-hop. Un travail démarré avec A nos morts, puis Folies Colonies, des spectacles puissants comme une claque, qui réveillent chez le public comme une fierté d’appartenir à la même humanité que ces artistes-là.

«Quand j’ai vu Nuit et brouillard de Resnais, j’ai eu un vrai choc. Samudaripen a pour mission de provoquer un choc comme celui-là, poursuit Yan Gilg, metteur en scène du spectacle. Je voudrais qu’on sache qu’à côté de l’étoile jaune, il y a eu aussi le triangle brun (NDLR : le morceau de tissu cousu sur le vêtement rayé, qui désignait les Tziganes dans les camps d’extermination nazis), et que ça s’est aussi passé chez nous, sous l’administration française.»

Cinq danseurs, trois musiciens, un slameur

Nourri d’une documentation gigantesque, Yan Gilg a conçu ce nouveau spectacle de façon très réaliste. «C’est une plongée dans l’univers d’un camp, avec ses cris, sa violence, qui sont exprimés à travers la danse hip-hop, précise l’auteur. On a fait très attention à ne pas tomber dans les clichés et à ne pas non plus idéaliser : quand l’humain est poussé à l’extrême, oui il peut devenir une bête ; quand il crève de faim, oui il va voler pour survivre. Mais il y a toujours une étincelle d’humanité, quelque part.»

Présenté comme une pièce chorégraphique pour cinq danseurs, trois musiciens et un slameur, Samudaripen rend aussi un bel hommage au jazz manouche. «L’histoire des Tziganes, c’est l’histoire de la musique : ils ont eu une influence énorme. Un peu comme des abeilles, ils ont pollinisé ici et là les musiques de chaque pays», souligne Yan Gilg. L’ombre de Django Reinhardt n’est jamais bien loin.

Hommage au jazz manouche

En concluant le spectacle par des images d’archives, Samudaripen témoigne aussi de la ténacité des préjugés et des haines, de la lenteur des mentalités à évoluer. Car ces archives-là datent... du XXIe siècle. Et rappellent des faits divers aux relents tristement connus, dont ont été victimes des «gens du voyage». Hier, à côté de chez nous.
Un spectacle qui laisse bien peu de place à l’espoir. Et pourtant, le seul fait qu’il existe et qu’il rencontre le public en est déjà un.

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