Quand un artiste nous fait le coup du live, c'est généralement une compilation de ses meilleurs titres, une performance digne d'une bête de scène, devant une foule en délire. Sined, lui,joue le coup du live en toute modestie, dans une relative indifférence : on entend ici et là les gens tousser, des verres s'entrechoquer, des applaudissements polis, le lot de nombreux artistes peu connus du grand public, qui n'en sont pas moins inventifs pour autant.
© Chris Kolb Sined, au centre, lors d'un concert avec Mig 21Sined est à ranger dans cette catégorie d'explorateur de la matière sonore, tendance rock et électronique, guitare noisy et rythmique lourde, avec une complicité évidente avec Joy Division sur Your Feet. Le live lui permet d'arpenter ses pentes favorites, celles ardues de l'improvisation, tâtonnant comme un voyageur égaré mais heureux de se perdre : « En concert, moins l'on sait ce que l'on va faire et mieux c'est, car on peut alors se surprendre. Si la mayonnaise prend, on peut prendre un titre de 2 minutes, le faire durer 9 minutes. Si les gens n'aiment pas, on passe à autre chose. L'improvisation a une place importante dans ce que je fais, même si ça fait peur parfois. J'ai 46 ans, j'ai pris de la bouteille, et c'est plus facile de faire ce genre de choses quand on commence à bien se connaître », confie le compositeur.
L'avantage du live est aussi de donner à entendre une musique moins travaillée, moins policée qu'en studio, ce qui convient tout à fait à sa musique et à son phrasé singuliers : « La virtuosité est importante, mais secondaire par rapport à ce que je fais. Je me rappelle d'une prof de piano qui m'a viré de son cours lorsque j'avais 12 ans, en disant à mes parents que je n'avais rien à voir avec la musique. Je suis à l'opposé d'un musicien d'orchestre qui sait tout faire, et que j'admire énormément. Moi, je pars d'une exploration et je vois ce que ça donne. Je ne garde pas tout, je sélectionne le plus excitant, le plus touchant. »
Comme nul n'est prophète en son pays, Sined a voulu que cet album vienne de loin, de Nouvelle-Zélande, pour ce Live in Auckland, enregistré en une prise en 2010 : « Je constate depuis quelques années qui si on fait quelque chose qui se revendique d'ici, cela provoque un désintérêt passif et mou. Alors que si ça vient d'ailleurs, de très loin, c'est bien. Je me souviens d'un concert pointu que j'avais donné au Masque à jazz à Mulhouse il y a plusieurs années. Des gens sont venus me voir après le concert, en me demandant comment j'osais faire ce genre de musique, alors qu'ils en écoutaient chez eux. Si j'avais eu une autre tête, un autre nom, je serai passé pour un avant-gardiste. A Mulhouse, c'est un phénomène exacerbé, c'est peut-être aussi un complexe très français par rapport au rock'n'roll », explique le chanteur.
Lui n'affiche aucun complexe, repousse sans cesse ses limites et a déjà la tête à son prochain album, des compositions à base de sons enregistrés dans la rue : « Quand je me balade, je suis à l'affût de tous les sons, je les laisse venir à moi, un peu à la manière d'un photographe avec l'image. Par exemple, il y a un escalator pour aller à la Fnac qui a un son superbe. Mon rêve, ce serait enregistrer deux réacteurs d'un Airbus, des sons monstrueux qui me faisaient monter une émotion très forte, très exaltante quand je travaillais dans un aéroport sur la piste. Cet album sera un objet bizarre, peut-être plus littéraire et plus chantée que d'habitude, ce sera comme la bande son d'un film qui n'existe pas avec des dialogues ou des monologues. »
L'enregistrement est prévu pour 2012, pour une livraison à une date encore inconnue. Il faut dire que Sined mène plusieurs vies à la fois, celle de musicien, écrivain et peintre. Ses tableaux sont d'ailleurs visibles dans une exposition au Tribunal de grande instance.
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