Claude Gassian · Ailleurs, Exactement

Claude Gassian est connu comme l’un des grands photographes de la scène musicale. Pourtant, il ne court pas les festivals et ne hante pas les coulisses. S’il a largement contribué à la naissance de la presse rock en travaillant pour Best, Rock & Folk, ou encore Libération, son univers n’est pas celui du son mais, paradoxalement, celui du silence.

Il côtoie Leonard Cohen, Prince, les Rolling Stones, avec qui il fait plusieurs tournées, et aussi Patti Smith, avec qui il publie aujourd’hui un livre intitulé : Patti Smith Horses - Paris, 1976 (Gallimard). Il suit Serge Gainsbourg, The Cure, Vanessa Paradis, Daft Punk, Mylène Farmer et tant d’autres, et entretient, avec retenue, une forme de connivence avec chacun.

Bien que l’agitation de la scène lui offre des expressions corporelles uniques, ses portraits les plus célèbres se tiennent loin du bruit et de la fureur. En effet, Claude Gassian cherche l’invisible, l’atemporel, le moment de silence ou d’oubli qui verra la célébrité s’éclipser au profit de l’être dissimulé sous les paillettes. Éliminer le surplus, toucher au plus profond, saisir l’instant diaphane… La présence singulière est un art de l’abandon, un temps suspendu… Stay tuned, silence…

Les cinq ensembles que Claude Gassian présente à la galerie Rabouan Moussion sous le titre Ailleurs, Exactement semblent appartenir à des mondes qui jamais ne se rencontrent. Il y a les Portraits, bien sûr, et les Tracés électriques, les Pas, les Autoroutes et les Diptyques.

L’œuvre de Claude Gassian trace un fil ténu entre l’image et l’imagination. Le temps est son matériau, pas l’instantané. Traces, contrastes et composition sont ses outils. La plupart du temps, il semble cadrer un hors-champ, précis et pourtant nulle part. Faire l’image selon Claude Gassian, c’est bien, en effet, être ailleurs exactement. Et le moment du regard n’est pas celui du discours.

Pour chaque série, qu’elle se présente sous les traits noirs profonds, telle une « encre » sur fond blanc, ou comme une vitesse bleutée sur un plan flou, comme un lien scellé entre deux géographies, ou encore à la manière d’une marche en suspension, Claude Gassian utilise la photographie pour ses qualités picturales. Exclusivement. Focale, durée, séquence, lumière, support, format, cadrage, image, temps, arrêt, suspension, lenteur, vitesse, anonyme, célèbre, pas à pas, ici, ailleurs, là… « Tout se croise et s’entrecroise, et je refuse de choisir. Il s’agit avant tout de forcer les intersections. » Crossroad !

Tout public.