Rencontre avec Romain Burgy, le peintre au citron ailé

Il a 60 ans mais l’allure et le regard encore juvéniles. Romain Burgy, peintre né à Altkirch, vivant aujourd’hui en Allemagne, a gardé un oeil frais sur le monde dans ses tableaux, en grand voyageur qu’il est.

Propos recueillis en mars 2012.

Romain Burgy et son citron ailé qui hante son oeuvre, et porte ses messages dans le monde DR Romain Burgy et son citron ailé qui hante son oeuvre, et porte ses messages dans le monde

Il est un enfant du Sundgau, du froid, des collines vertes. Mais il est irrémédiablement attiré par le Sud, le ciel bleu, la chaleur, la mer. Avec une nette préférence pour l’Espagne, la Catalogne, Barcelone. A 7 ans, il copie Picasso et son cubisme qu’il découvre dans les livres. En fan d’architecture, il est fasciné par les constructions folles de Gaudi. A 23 ans, il a un déclic en visitant la maison et l’atelier de Joan Miro à Majorque, un lieu où il retourne en « pèlerinage artistique » régulièrement. Les citrons ailés qui hantent son œuvre et qui « portent son message dans le monde entier » rappellent les obsessions d’un Dali pour les béquilles ou les montres molles. Ces citrons résument sa philosophie de vie : « Quand la vie t’offre un citron, fais en une limonade ! » clame-t-il. Autrement dit, même si le fruit est acide, on peut toujours l’adoucir avec de l’eau et rendre la pilule moins amère…

Et pourtant, c’est à Cologne en Allemagne qu’il a choisi de s’installer il y a 25 ans, par amour pour une femme. Un choix qu’il ne regrette pas : « C’est une ville très dynamique au niveau de l’art, des musées, avec la grande foire d’art contemporain Art Cologne. Elle est aussi la ville la plus française d’Allemagne : tout est permis, les gens sont tolérants, ils font la fête. Il ne faut pas oublier que c’est la capitale mondiale du carnaval. » Mais il a voyagé partout dans le monde, photographiant mentalement tout ce qui lui passe sous les yeux, chose qu’il a appris à faire quand il était petit : « J’ai toujours été fasciné par les architectures, par les perspectives des bâtiments. Quand je voyageais avec mes parents, je les embêtais toujours pour qu’il photographie tel et tel bâtiment. Après, j’ai arrêté de les embêter parce que je les ai photographiés avec mes yeux, j’ai une grande capacité à reproduire ce que j’ai vu à ma façon, même des années après », explique le peintre.

Fan d’architecture

Et sa patte artistique est très reconnaissable : des peintures à la gouache sur papier ou carton, ultra colorées, avec un fond bleu éclatant, qui s’intéresse beaucoup aux architectures : lieux de culte, de culture, d’affaires, scène de rue…, mais aussi les gens : touaregs, danseurs, musiciens, amis, idoles… Il a aussi peint des tableaux plus politiques, comme cette multitude de paires d’yeux dans Surveillance totale du citoyen, ou deux hommes nus s’embrassant dans Palestinien et Juif-Paix. « Je suis un petit révolutionnaire au fond de moi, mais très doux, très pacifique », glisse-t-il.

Sa passion de l’architecture le conduit naturellement à peindre aujourd’hui différents types d’habitations dans le monde : igloo, tentes de peuplades en Sibérie, huttes dans les villages africains…, une sorte de volonté de lutter contre une uniformisation, une mondialisation des modes de vie : « Il faut respecter toutes les cultures, toutes les traditions, car c’est une grande richesse. On rase par exemple des bidonvilles pour mettre les habitants dans des immenses tours contre leur volonté, alors qu’avec peu de moyens, on pourrait les moderniser. On prend des nomades pour les mettre dans des maisons pour les sédentariser, et ils perdent leur culture. Cette diversité, il faut la protéger, pas l’éliminer. »

Ainsi, sous les dehors colorés et joyeux de ses tableaux, Romain Burgy est en prise directe avec les grandes transformations de son temps. Car l’enjeu va bien au-delà pour lui : « Les artistes sont souvent en conflit avec la vitesse dont marche le monde qui va de plus en plus vite, car l’art est fait pour durer, même des millénaires, témoin d’une civilisation qui a disparu. Si on prend les grottes de Lascaux, il ne nous reste rien de cette civilisation à part l’art sur les murs. Pareil pour nous : ce n’est pas les meubles en kit de Ikea qui vont rester, mais les œuvres d’art. »

Son actu :

Romain Burgy expose en France, Allemagne, et même en Chine, un pays qui lui réussit plutôt bien. En 2010, l’Allemagne le choisit avec 90 autres artistes pour représenter l’art moderne dans son pavillon dans le cadre de l’exposition universelle de Shanghai. Sur le thème de Better city, Better lives, il présente trois œuvres, sur la cathédrale, le port et le zoo de Cologne, pendant quatre semaines, lui donnant une visibilité incroyable : « Ce fut une grande chance : 35 millions de gens ont vu mon art, j’étais donc très fier. Et suite à cela, j’ai eu beaucoup de contact pour exposer partout dans le monde, et notamment une grande exposition avec 250 œuvres que je vais présenter en 2014 à l’Académie des Arts de Pékin », souligne l’artiste. Un peu plus modestement, Romain Burgy était récemment le parrain de la 40e exposition de peinture et de sculpture de Wittelsheim, et reviendra dans le Sundgau, en septembre à Ferrette et en octobre à Lucelle.

Des goûts et des couleurs :

En boucle sur votre Ipod ? De la musique d’Amérique du sud, en espagnol, en portugais. En général, c’est assez folklorique.

Votre livre de chevet ? Tout Jean Giono. J’aime ces belles histoires provençales, sa façon d’écrire toute simple et dramatique.

Un spectacle à ne pas manquer ? Un concert de Véronique Sanson, j’adore ses textes.

Une personnalité que vous admirez ? Jésus, comme philosophe, rien à voir avec la religion. Il contrariait tout le monde avec la simplicité de ses paroles.

Votre bar ou resto préféré dans le coin ? J’aime les auberges de campagne, avec une cuisine simple, des produits locaux, peu importe où elles se trouvent.

Le truc qui vous énerve chez les autres ? Le manque de franchise

Le truc que vous appréciez chez les autres ? La simplicité

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