Moins de deux années plus tard paraît sur le même sujet Le Naufrage d'un musée, co-écrit avec la journaliste de L'Alsace Hélène Poizat. Ici - et c'est toute la pirouette littéraire - il s'agit d'un docu-fiction, presque un roman ; rien à voir, donc, avec le réel. Rien à voir : vraiment ?! Ou est-ce là une parade pour se prémunir d'éventuelles répercussions légales ?
© M.O. Pierre Freyburger et Hélène Poizat« Nous avons fait relire le livre à un avocat pour nous assurer qu'il n'y avait pas diffamation. Concernant les faits évoqués, nous n'abordons que ce qui est déjà connu et avéré, avec un angle de vue différent du premier livre », pèse Pierre Freyburger, ancien élu socialiste du Haut-Rhin et désormais auteur - et qui a dans les yeux une étincelle d'excitation à chaque fois qu'il décortique le scandale du MISE. « Nous n'avons pas accès au dossier et ne sommes pas dans le secret de l'instruction », complète la journaliste Hélène Poizat (que l'on retrouve sous le pseudo d'Elise dans le livre).
« On a pensé aux lecteurs qui ne connaissent ni le Musée de l'Impression sur étoffes, ni l'affaire des vols », complète l'auteur. « C'est un peu le Da Vinci Code mulhousien ! », sourit Hélène Poizat. Cette fois, les noms des différents protagonistes au cœur de cette sombre histoire ont été modifiés. Le lecteur averti pourra néanmoins reconnaître facilement de qui il s'agit.
Rappel abrégé des faits : en 2018, la maison de vente aux enchères Sotheby's Paris s'apprête à vendre deux vases Gallé, d’une valeur estimée à plus de 100 000€ chacun. Des pièces de collection, traçables, supposées être conservées dans les collections du Musée de l'Impression sur Étoffes ! Que font-elles là ? La machine judiciaire a tôt fait de s'emballer : le délégué à la conservation du musée avoue le vol des vases, mais aussi de plusieurs centaines de carrés de soie Hermès. La même semaine, le directeur du musée est retrouvé mort sur place, tombé d'une échelle, alors qu'il était en train de changer une ampoule. Rapidement, on se rendra compte qu'une bonne partie de l'immense collection du musée a disparu : livres d'échantillons, dessins, empreintes cachemire...
« Le musée a été siphonné ! Le directeur n'a pas pu ne pas le voir », note Pierre Freyburger.
« Cette docu-fiction permet d'extrapoler les morceaux manquants de l'histoire, notamment les personnalités du délégué et du directeur. On a adoucit certains détails : on ne peut pas toujours répéter ce qu'on nous dit au détour d'une conversation informelle », révèle Hélène Poizat. La journaliste a couvert durant des années - et couvre toujours - l'actualité culturelle du MISE : à l'aune des révélations, s'est-elle sentie un peu roulée dans la farine ? « J'étais loin de me douter de ce qui pouvait se tramer dans les coulisses, il y avait une véritable omerta jusqu'à l'affaire des vases Gallé. Je m'en souviens très bien, de ces vases : le délégué à la conservation me les avait montrés à l'occasion d'une exposition. Il avait déclaré : "Les membres de la Société Industrielle de Mulhouse sont allés les acheter à l'expo universelle de Paris en 1900 - ils avaient du goût !" Les mêmes vases qui l'incrimineront quelques années plus tard... »
L'objectif des deux Mulhousiens n'est pas d'accabler davantage le musée, dont l'image est déjà écornée. « J'aimerais que l'enquête avance et que le musée se relève. Le MISE a tant d'atouts. Il porte l'histoire commune des Mulhousiens », termine Pierre Freyburger. Souhaitons que les nouvelles équipes en place y parviennent dans les années à venir.
Le Naufrage d'un musée, éd.Médiapop - 15€
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